Charles Workman (Ulisse), Delphine Galou (Penelope), Anicio Zorzi Giustiniani (Telemaco), Arianna Venditelli (Minerva), Hugo Hymas (Eurimaco), Miriam Albano (Melanto), John Daszak (Iro), Mark Milhofer (Eumete), Natasha Petrinsky (Ericlea), Gianluca Margheri (Giove), Guido Loconsolo (Nettuno), Andrea Patucelli (Antinoo), Pierre-Antoine Chaumien (Anfinomo), James Hal (Pisandro), Marina de Liso (Giunone), Francesco Milanese (il Tempo), Eleonora Bellocci (la Fortuna), Konstantin Derri (Amore), Accademia bizantina, dir. Ottavio Dantone ; mise en scène, Robert Carsen.
Dynamic 37927 (2 DVD). Live. 2021. Notice trilingue. Distr. Outhere.
Le dispositif scénique adopté au Teatro della Pergola n’est pas inédit : sur la scène a été construite, en miroir, une réplique de la salle. Dans les nouvelles loges ainsi créées s’installent les dieux, vêtus de costumes renaissants cramoisis, chacun portant l’emblème doré de sa charge (trident, foudre, caducée) : ils vont assister à la tragédie humaine qu’ils pilotent, quitte à descendre sur le plateau – où les protagonistes arborent des habits contemporains (treillis, uniformes, robes de deuil) – pour intervenir directement. Parfois, les dieux se moquent de leurs jouets ; mais, de l’autre côté de la rampe, le public, lui, est invité à jeter un regard critique sur ces marionnettistes, dont le voyeurisme se voit ainsi dénoncé/dédoublé. Une lecture qui fonctionne assez bien, même si la direction d’acteurs aurait pu être davantage travaillée et si certaines scènes tombent à plat – notamment la mort des prétendants. Dommage, car ces vitelloni en costumes de mafieux, apparemment grossistes en poissonnerie, sont magnifiquement croqués par trois superbes chanteurs, que mène le formidable Andrea Patucelli ! Le couple principal échoit à des interprètes au chant assez « graphique » : les voix de Delphine Galou et Charles Workman ne sont pas les plus riches du monde (timbre très mat, pour Galou, qui peine à se projeter, grave un peu éteint chez Workman), mais compensent leur pauvreté en harmoniques par leur éloquence, leur élégance, leur art consommé de l’incarnation. Les autres prestations vont du très satisfaisant (Eurimaco coquin, Eumete émouvant, Minerve flamboyante bien qu’un peu appuyée, Amour piquant) au fort médiocre (Melanto, Euriclea), en passant par le correct (un Telemaco trop nasillard, dont le monologue de l’Acte II a été coupé, un Iro plus herculéen que drôle). L’idée consistant à confier la Fragilité humaine du prologue à trois interprètes différents nous semble relever, pour sa part, du gadget conceptuel. Ottavio Dantone a pris la mesure du théâtre en optant pour un orchestre coloré (auquel sont confiées quelques ritournelles interpolées, destinées à planter le décor) et une direction assez volontariste – qui, finalement, déçoit par son manque de subtilité, d’autant que le continuo, raide, ne joue guère le jeu de la sprezzatura (décontraction imitant l’improvisation). Une production néanmoins agréable, à ranger aux côtés de ces autres demi-réussites que sont les versions Christie/Noble, Harnoncourt/Ponnelle (peut-être la plus incandescente mais très écourtée) et Haïm/Clément.
Olivier Rouvière