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Alain Vernhes (Betto), Marie-Thérèse Keller (La Ciesca), Roberto Accurso (Marco), Barbara Morihien (Nella), Juan Pons (Gianni Schicchi), Marta Moretto (Zita), Eric Huchet (Gherardo), Mario Luperi (Simone), Ekaterina Syurina (Lauretta), Saimir Pirgu (Rinuccio).

 

Monter Le Triptyque est toujours une gageure. Donner une unité à une soirée qui rassemble un drame naturaliste (Il Tabarro), un acte mystique (Suor Angelica) et une farce piquante (Gianni Schicchi) n’est pas gagné. La production milanaise de Luca Ronconi, qui arrive actuellement à l’Opéra Bastille, tente le pari d’un fond de scène quasi unique, dont seul le premier plan est meublé de dispositifs changeants. Ces décors (de Margherita Palli) sont en effet assez abstraits pour créer une continuité d’une œuvre à l’autre, et surtout porter les lumières de Gianni Mantovanini – qui prennent tout leur sens avec les évocations de l’Enfer et de Florence de Gianni Schicchi. Mais si la péniche réaliste d’Il Tabarro constitue un évident point de rassemblement, si la chambre opulente de Buoso Donati surexpose à plaisir les démêlés de sa cupide famille (Gianni Schicchi), l’étrange promontoire de Suor Angelica (à la fois colline que l’on gravit et statue de Vierge effondrée) constitue plutôt un obstacle au théâtre. Serrées à l’avant-scène, d’un côté ou de l’autre, ou bien en contrebas, ou encore parcourant de façon précaire cette bosse étrange, les religieuses et leurs interprètes ne font pas « corps » comme le font les bateliers d’Il Tabarro et ensuite les Donati en émoi. De fait, c’est aussi dans Suor Angelica que la direction d’acteurs de Luca Ronconi semble la moins aiguë, notamment dans le dialogue d’Angelica et de sa tante distendu à l’avant-scène. Ailleurs, elle fait mouche.Dans Il Tabarro, la sensualité de Luigi et Giorgetta, la passion destructrice de Michele aussi, s’épanouissent sans jamais virer à la caricature. Il faut dire que Marco Berti et Oksana Dyka forment un couple vocal exemplaire de puissance aisée, d’éclat soutenu, de longueur de souffle, et de nuances également. C’est là le vérisme vocal dans son sens le plus noble. Et si la voix de Juan Pons affiche un timbre assez grisé, son tempérament le compense amplement. Ce Tabarro de 55 minutes foudroie comme en un éclair. Autre éclair, mais de feu d’artifice celui-là, celui de Gianni Schicchi. On retrouve Juan Pons, formidable d’humour et de duplicité, falstaffien en diable. Et autour de lui, une foule vibrionnante illuminée par l’autre couple de la soirée, celui formé par Ekaterina Syurina (Lauretta) et Saimir Pirgu (Rinuccio). Tous deux jolis comme des cœurs de timbre et de visage, avec dans la voix une candeur presque enfantine, celle du tenorino souriant et celle de la jeune fille en fleur. Entre les deux, le plateau féminin de Suor Angelica est le moins homogène (à l’image de sa scénographie) : les Sœurs sont vocalement courtes (le chœur notamment, qui joue – on l’espère – trop sur la blancheur du timbre), et la Tante d’Angelica, une Luciana D’Intino qui tube à loisir pour se faire Grand Inquisiteur. Le contraste est par trop extrême. Au centre, l’Angelica de Tamar Iveri gagne le public par la souplesse de son chant, sa voix fruitée qui n’a peut-être pas toute la puissance requise pour affronter les moments les plus larges de sa partie mais en a toute l’émotion, incarnation bouleversante de la jeune mère affamée de son enfant.D’un bout à l’autre de la soirée, Philippe Jordan mène l’Orchestre de l’Opéra à son meilleur : les noirceurs fulgurantes et les textures irisées du Tabarro, comme la verve aiguisée de Gianni Schicchi, sont exprimées avec panache, passion et humour, et font de ce Triptyque une très superbe soirée puccinienne. Et vocale, et théâtrale – somme toute. L’opéra comme on l’aime !

C.C.

A lire : Le Triptyque. L'Avant-Scène Opéra n° 190.


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Marco Berti (Luigi) et Oksana Dyka (Giorgetta).


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Tamar Iveri (Suor Angelica). Crédit : Ian Patrick / Opéra national de Paris