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Pièce majeure du cycle Pouchkine / Tchaïkovski réalisé entre 2006 et 2008 par Peter Stein et Kirill Petrenko, Eugène Onéguine revient trois ans après avec une distribution légèrement renouvelée de chanteurs jeunes et très crédibles, pour la reprise que fait l’Opéra de Lyon de ce Festival Pouchkine. En 2007, lors de la création de sa mise en scène d’Eugène Onéguine sur la scène lyonnaise, Peter Stein déclarait avoir « re-pouchkinisé » Tchaïkovski, le premier plus caustique que le second plus mélodramatique*. Partant des archétypes propres à ce drame bourgeois, Stein en donne une vision très acide, réaliste parfois. Mais, en homme de théâtre qu’il est, comment n’a-t-il pas réalisé et admis que de nombreux précipités et de longs entractes pour réaliser des changements de décors, certes souvent spectaculaires, plombent terriblement l’action et font durer la soirée trois heures trente ? Il est vrai qu’il est l’homme des grandes fresques et épopées, son Faust de Goethe intégral durant plus de vingt heures ! Cette réserve de taille admise, son travail, celui de Ferdinand Wögerbauer et d’Anna Maria Heinrich pour un décor qui, à défaut d’être praticable, est magnifique, et pour des costumes très poétiques, ainsi que les éclairages raffinés de Duane Schuler et Japhy Weidman, sont admirables. La direction d’acteurs est d’un naturel qui demeure rare à l’opéra malgré les progrès des chanteurs, et il sait faire évoluer les personnages dans le court espace-temps d’une soirée. Musicalement, une autre réserve s’impose : dans les scènes de groupes, notamment celle de la fête d’anniversaire de Tatiana, en grande partie à cause de la conformation en « boîte » du décor qui sonne très mat, les chœurs chantent beaucoup trop fort et l’orchestre compense en en faisant autant. Cela dit, la direction de Kirill Petrenko, qui privilégie toujours la vie à la contemplation, est efficace et vivante. La distribution ne connaissait qu’une ombre, le timbre trop clair et assez terne de l’Onéguine d’Alexey Markov ; ce baryton russe s’est cependant distingué dans son affrontement final avec Tatiana – d’une voix plus timbrée que pendant le reste de la soirée. Le Lituanien Edgaras Montvidas est un Lenski de belle stature qui a remporté l’adhésion du public dans son air « Kouda, kouda… » précédant le duel, formidablement contrôlé et nuancé. Chez la Tatiana d’Olga Makytendo, c’est la possibilité d’être deux personnages vocalement différents aux deux étapes de sa vie amoureuse qui force l’admiration, plus que son timbre qui n’est pas si rare. La Nourrice Filipievna de Marianna Tarasova était d’un aplomb imposant, voix plus jeune et aux capacités plus riches que ce que l’on est accoutumé d’entendre dans ce rôle trop souvent confié à des chanteuses vieillissantes. Le Prince Grémine de Michail Schelomianski avait toutes les qualités de sobriété et de noblesse requises. Une représentation d’un excellent niveau.

O.B.

* Interview publiée dans Le Monde du 27/01/2007.

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Photos : Opéra national de Lyon/Stofleth.