Lisa Otto (le Père Fadenkreutz), Ivan Sardi (la Mère Fadenkreutz), Manfred Röhrl (Wilhelm), Gerti Zeumer (Auguste), Donald Grobe (l'Assesseur Birkhahn), Victor van Halem (le Maire), Barbara Scherler (la Femme du maire), Carol Malone (la Fille du maire), Helmut Krebs (Zitzewitz). Chœur, Ballet et Orchestre de la Deutsche Oper Berlin, dir. Caspar Richter, mise en scène : Winfried Bauernfeind (Berlin 1974).
DVD Arthaus Musik 101658. Distr. Harmonia Mundi.
Septième des treize ouvrages lyriques écrits par Boris Blacher entre 1929 et 1975, Preussiches Märchen, achevé en 1950, fut créé à l'Opéra municipal de Berlin le 23 septembre 1952. Blacher y renouait avec l'opéra pour le théâtre, tout occupé qu'il avait été à rechercher des solutions nouvelles pour ses partitions lyriques - opéra de chambre comme pour son Romeo und Julia en 1943, ou opéra radiophonique tel le brillant Die Flut (1946), inspiré par une nouvelle de Maupassant. Mieux, il optait pour le genre tombé en désuétude de l'opéra-ballet, qui ajoute ici un grain de fantaisie supplémentaire à une intrigue qui frôle le surréel et dont le ton premier est l'ironie. Blacher, inspiré par la prose sarcastique de la pièce de Zuckermayer Der Hauptmann von Köpenick, y moque l'Allemagne wilhelmienne et sa société percluse par la bureaucratie et l'omniprésence de l'armée. L'intrigue centrale en est simple et elle pourrait se résumer à cette maxime : « L'uniforme fait tout ». Whilelm Fadenkreutz, un employé municipal, est le même jour félicité par son chef puis renvoyé. Pour faire bonne impression sur son futur beau-frère, il endosse un uniforme de général de l'armée prussienne, prend la tête d'un régiment qu'il croise dans la rue et, avec celui-ci, va s'emparer des recettes fiscales de la ville. Sur cette trame déjantée, Blacher écrit un orchestre très stravinskien, sec, cassant, persiffleur, truffant sa partition de galops, de mazurkas, de cotillons, de valses, le tout en détournant le style et les effets alors fort en vogue des opérettes de Paul Linke. Passée la longue première scène à la caisse d'épargne municipale, l'œuvre ne cesse d'étonner par la liberté de sa dramaturgie, ses idées saugrenues mais percutantes (ainsi le père de Whilhelm est chanté par une soprano - ici Lisa Otto, renversante - et sa mère par une basse - Ivan Sardi, tout aussi impayable), son rythme alerte. Toute l'équipe est formidable de verve, d'ironie, n'hésitant pas à charger des personnages dont Zuckermayer faisait déjà des caricatures. Mais une réserve, pourtant : la mise en scène très classique de Bauernfeind nous semble rester en deçà du pouvoir corrosif de l'ouvrage, lecture respectueuse d'une partition absolument irrespectueuse. Bémol léger qui doit céder devant le fait qu'enfin un des ouvrages lyriques majeurs de Blacher est documenté.
J.-C.H.