2009. Temps des débats sur la mise en scène lyrique, sur ses dérives ou ses fatigues. Heureux temps aussi où des réalisations très diverses apportent des réponses aussi variées qu’inclassables à nos attentes de spectateurs – on pense à la Didon récente de Deborah Warner ou à la Lady Macbeth de Mzensk de Martin Kusej. Nouvel élément apporté au dossier, la production d’Hippolyte et Aricie présentée vendredi 6 mars à Toulouse.
En ouvrant grand les portes de nos imaginaires à l’univers codé et merveilleux de la tragédie lyrique, Ivan Alexandre et son équipe ont réussi à nous ravir dans ce monde enchanté, où l’émotion naît autant de la forme que de la force des passions, comme la gravité poignante peut sourdre d’un alexandrin, rythme et images indissociablement mêlés. Il ne s’agit pas de reconstitution clinique, il s’agit d’âme qui passe, de naturel qui imprègne la convention, de charme qui rend le Beau aimable. En s’entourant des meilleurs, Ivan Alexandre a su faire de sa deuxième mise en scène la révélation d’un travail d’équipe, artisanal et artistique. Les toiles peintes d’Antoine Fontaine, les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz, les lumières d’Hervé Gary, tous à la frontière intangible du somptueux et du délicat, dessinent des tableaux moussus ou ambrés, doux ou grandioses. Comme les chorégraphies de Natalie van Parys, la direction d’acteurs d’Ivan Alexandre se joue des codes baroques, les nimbe de naturel pour exalter leur meilleur, offrant ainsi au public de retrouver des capacités perdues de sensibilité. On craignait d’oublier comment s’émouvoir d’un simple un regard – même pas de son expression, mais de son existence même, quand deux amants l’échangent enfin après de longues répliques face public. On ne l’oubliera plus.
La production bénéficie d’un plateau de haute tenue, en voix, en style et en esprit : en premier lieu, Anne-Catherine Gillet et Frédéric Antoun, protagonistes tendres et élégants, puis Stéphane Degout, Thésée déchiré, Allyson Mac Hardy, Phèdre redoutable, et les Dieux qu’il faudrait citer tous (retenons l’Amour délicieusement drôle et brillant de Jaël Azzaretti et la Diane idéale de Jennifer Holloway). Seuls Oenone et Mercure déparent, timbres ingrats et intonations douteuses – apparitions plus brèves heureusement. Sous la direction inspirée d’Emmanuelle Haïm, le Concert d’Astrée fait sonner avec verve les audaces de coloris et d’harmonie de Rameau. Un accueil triomphal et ému a salué la première représentation d’une production qui enchante et laisse les yeux un peu brillants, brillants de la magie du théâtre (et de l’opéra) exaltée en elle-même.
C.C.