Judith Raskin (Madame Herz), Reri Grist (Mademoiselle Silberklang, Miss Sweetsong), Richard Lewis (Monsieur Vogelsang, Eiler), Sherrill Milnes (Buff), Leo McKern (Frank), English Chamber Orchestra, dir. André Previn (1967).

CD Sony 88985470422 (rééd.). Distr. Sony.

 

Conçu et réservé pour le marché anglo-saxon sur un livret anglais de Dory Previn, cet Impresario auquel le CD entend donner une carrière internationale restera marginal dans une discographie pourtant relativement peu fournie, le mélomane mozartien balançant toujours entre le somptueux Pritchard (avec les Wiener Philharmoniker, Kiri et Edita ne s'y crêpant guère le chignon) et le théâtre si piquant que distillait Karl Böhm à Dresde, avec deux oiselles au plumage brillantissime, Reri Grist et Arleen Auger : personne n'aura jamais vraiment fait mieux, sinon pour Mademoiselle Silberklang Ileana Cotrubas désarmante au studio (Colin Davis, Philips) ou à la scène (à Salzbourg : Hager, Orfeo).

Bientôt Madame Herz pour Karl Böhm, Reri Grist incarne ici, six ans plus tôt, une stupéfiante Mademoiselle Silberklang - de virtuosité, d'ironie, de coquetterie aussi -, brossant dans son anglais natif un portait parfait où brillent toutes les couleurs de son caractère, y distillant une voix qui s'est étoffée dans le medium. Dommage qu'elle doive confronter sa parfaite silhouette aux coloratures trop acides de Judith Raskin, Madame Herz revêche mais idéalement piquée. Les hommes se tiennent à carreau, Lewis barytonne dans un rôle qui gagne plutôt à se dorer le timbre, Milnes est un rien trop convenu, LeoMcKern fait traîner le tout : il n'est pas l'impayable Peter Ustinov qui mettait son grain de sel entre Mesplé et Moser dans la gravure pour Electrola, trop oubliée (et pourtant Nicolai Gedda y paraissait). On passerait donc s'il n'y avait la délicieuse Reri, mais aussi André Previn, qui emmène le tout souplement, mettant du soleil partout, une italianità acidulée d'une pointe de Broadway, un certain esprit qu'y aura cherché en vain Nikolaus Harnoncourt dans ses relectures drastiques et trop appuyées - que ce soit pour Teldec ou pour la Radio de Vienne (bande tout juste publiée par Belvedere).

Tiens, j'en profite : qui nous rendra la première version éditée par Telefunken, avec Mimi Coertse, piquante à souhait, Graziella Sciutti pour la plus charmante des Silberklang à égalité avec Cotrubas et Grist, Waldemar Kmentt dont le Vogelsang devra attendre Gedda pour être égalé ? C'était en 1964, André Rieu (père) dirigeait le Wiener Staatsoper.

J.-C.H.