Les Nouveaux caractères, dir. Sébastien d'Hérin (live, 2016).
CD Glossa 922702. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.
La première intégrale lyrique des Nouveaux caractères - Les Surprises de l'Amour de Rameau (Glossa, 2013) - nous avait enthousiasmé. La seconde - Scylla et Glaucus de Leclair (Alpha, 2014) -, un peu moins convaincu, par la faute de quelques solistes et de la concurrence. Nous retrouvons dans cette troisième parution, consacrée cette fois à une œuvre très fréquentée, les impressions laissées par les premières.
Tout d'abord, le véritable coup de cœur ressenti à l'écoute de la direction de Sébastien d'Hérin - sans doute la plus intéressante baguette de la jeune génération de baroqueux, à l'évidence un chef qui a « quelque chose à dire » et ne se contente pas, comme bien d'autres de ses collègues, plus médiatisés, d'un moyen terme consensuel. Dès les premières notes du Prélude se fait connaître, comme chez Rameau, un geste puissant, sûr, mordant et vif, épousant avec fluidité mais aussi avec nerf la rythmique complexe de Purcell et parvenant à emporter cette fascinante mosaïque de miniatures qu'est The Fairy Queen dans le flot d'un discours cohérent (écoutez les enchaînements de l'acte IV). On peut, bien entendu, ne pas se sentir toujours en phase avec cette lecture virile, qui sacrifie parfois le mystère et la grâce chorégraphique à l'expression, à la dynamique et à la couleur. Certains choix se discutent : si l'apport de la percussion nous séduit, quelques réalisations instrumentales laissent perplexe (comme l'anachronique cornet remplaçant le violon solo de The Plaint). Rappelons tout de même que l'enregistrement a été fait sur le vif, ce qui peut expliquer que l'ensemble orchestral (vingt-deux musiciens) apparaisse parfois fragilisé lorsqu'il joue en petit comité.
Mais le problème principal tient à la distribution vocale (12 chanteurs) et l'on fera surtout reproche à d'Hérin de ne pas savoir très bien s'entourer. Les dames sont, pour la plupart, à peine passables - mieux que cela dans le cas de la virtuose Hjördis Thébault, moins que cela dans le cas de la trémulante Caroline Mutel qui, hélas, s'arroge tous les plus beaux « rôles » (la Nuit, le Printemps, la Plainte, etc.). Les messieurs - surtout les ténors - se placent, heureusement, un cran au-dessus : même si Anders Dahlin peine dans la partie supérieure du duo « Let the Fifes » (généralement entonné par des contre-ténors), il se montre délicieux partout ailleurs, tandis que le vigoureux Samuel Boden resplendit dans « Come all ye Songsters » et « Thus the gloomy World ». On notera la bizarre prestation du baryton Ronan Nédélec, qui campe un Coridon plus menaçant que dépité... Dans l'ensemble, une lecture tonifiante, propre à renouveler notre vision de l'œuvre, mais non à détrôner les versions de Gardiner, Deller ou Christie.
O.R.