Miklós Sebestyén (Gualtiero Valton), Nicolas Testé (Giorgio), Javier Camarena (Arturo Talbo), Ludovic Tézier (Riccardo Forth), Antonio Lozano (Bruno Robertson), Annalisa Stroppa (Enrichetta di Francia), Diana Damrau (Elvira), Orchestre et Chœurs du Teatro Real, dir. Evelino Pidò, mise en scène : Emilio Sagi (Madrid, juillet 2016).
DVD BelAir classiques BAC142. Argument quadrilingue dont français, pas de notice. Distr. Outhere.
Dans notre vidéographie comparée des Puritains (L'ASO n° 96), nous déplorions l'impossible perle rare, les productions captées depuis une cinquantaine d'années offrant de façon dichotomique soit un plateau de beau rang (Bologne 2009, Decca), soit un théâtre réussi (Barcelone 2001, TDK) - mais jamais les deux en même temps. Sans être exempte de points faibles, la nouvelle version qui paraît chez Bel Air Classiques offre tout de même de grands bonheurs musicaux et visuels.
La scénographie de Daniel Bianco (décors) et Peppispoo (costumes) offre autant d'élégance que d'atmosphères : belle à l'œil, flirtant avec l'Histoire mais sans s'y engluer, elle permet surtout un déroulé crépusculaire tout en nuances de blanc, noir et gris, en ombres zébrées de cristal, en matériaux froids ou chauds permettant de varier les sensations picturales et, presque, tactiles. A l'exacte croisée du drame romantique, politique et orageux, et du lieto fine rhétorique, belcantiste et hédoniste, de l'esquisse réaliste et du fantasme abstrait. Dans cet écrin parfait pour y guider l'imaginaire sans l'entraver, la direction d'acteurs d'Emilio Sagi fait mouche et s'adapte aux éléments les plus timides (Tézier) ou les plus expansifs (Damrau), parvenant à nous raconter une histoire sans la distordre ni l'illustrer platement. Ajoutez à cela une gestion des chœurs judicieuse et expressive : le théâtre de ces Puritains-là est de beau rang.
Musicalement, ce n'est peut-être pas la résurrection contemporaine du quatuor de la création (Grisi, Rubini, Tamburini et Lablache !) mais c'est tout de même un bouquet de talents haut perchés, sous la direction attentive mais parfois trop vive d'Evelino Pidò, lequel laisse hélas peu de temps à la rêverie. Diana Damrau fait assaut d'invention dans l'ornementation, faisant la virtuosité synonyme d'intention dramatique : si la souplesse se raidit parfois, comme certains suraigus plus assenés que librement jaillis, le personnage d'Elvira n'en est pas moins investi et accompagné de bout en bout, dans une grande intelligence du mot et de la musique. Ce sont aussi les aigus qui pèchent parfois pour Nicolas Testé, soudain droits et sans galbe, alors que partout ailleurs le style et la délicatesse du chant impressionnent, dessinant un Giorgio infiniment émouvant. Moins intrinsèquement belcantiste que ses collègues, Ludovic Tézier retient son fiorito mais déploie son timbre de bronze altier pour le plus grand bonheur, tout de même, des amateurs de « beau chant », parvenant à donner une réelle épaisseur humaine à Riccardo. Quant à Javier Camarena, s'il n'a pas l'idéale aisance élégiaque d'un Flórez, son art fait honneur à l'écriture meurtrière d'Arturo, entre panache et nuances joliment négociées.
Pour qui voudrait découvrir les Puritani à l'écran, une version hautement recommandable.
C.C.