Jean-Sébastien Bou (Don Giovanni), Robert Gleadow (Leporello), Myrto Papatanasiu (Donna Anna), Julie Boulianne (Donna Elvira), Julien Behr (Ottavio), Anna Grevelius (Zerlina), Marc Scoffoni (Masetto), Steven Humes (le Commandeur), Le Cercle de l'Harmonie, Chœurs de Radio France, dir. Jérémie Rhorer (live, décembre 2016).

CD Alpha Classics 379. Distr. Outhere.

 

Les spectateurs de cette reprise au Théâtre des Champs-Elysées de la production Braunschweig 2013, danse de mort esthétisante bien reçue par la critique, seront ravis de pouvoir en conserver un souvenir audio dans l'attente d'un éventuel DVD, seul capable de restituer l'alacrité théâtrale de ces soirées. Sans prétendre rebattre les cartes d'une disco-vidéographie riche à ce jour de près de 200 captations officielles ou privées, les disques du présent coffret élégamment habillé s'écoutent avec un plaisir ingénu.

A la tête de son bien nommé Cercle de l'Harmonie, aux cordes parfois brouillonnes, Jérémie Rhorer contrepointe de sa direction jubilatoire ce que la mise en scène (comme la savante analyse de l'ami Borel introduisant au livret joint) pouvait avoir d'ironiquement dévastateur. Les accords comminatoires de l'ouverture donnent le la d'une lecture cursive, pertinente dans le choix des tempi (à l'exception du « Fin ch'han dal vino », comme toujours hystérique), attentive au chant et à l'équilibre des ensembles. Respectant du dramma giocoso le juste profil d'opéra bouffe, ici pimenté d'une donnée édifiante, avec le délié qu'autorise une formation de quelque 50 musiciens, le chef évite à la fois l'excès de baroquisme et la lourdeur métaphysique. Sans prétendre au génie mais dans l'air du temps, au meilleur sens.

Le plateau exhibe de la jeunesse la fougue et l'esprit d'équipe, à côté d'inévitables fragilités. Du rôle-titre Jean Sébastien Bou fait valoir le charme sans état d'âme d'un Casanova des temps modernes, caressant d'une voix mixte correctement soutenue la Zerline pulpeuse d'Anna Grevelius. Le jeu de miroir qu'il entretient avec le très caustique Leporello de Robert Gleadow, parfois à la limite de la canaillerie, dynamise leurs complices affrontements. Redisons que l'air du champagne à la vitesse TGV le condamne à massacrer chant et texte. Pour redire aussi que ces deux pâtissent de l'absence de visuel. Ramenés à leur seule vocalité, les autres retiennent moyennement l'attention. Anna rate son entrée, minaude devant Ottavio, arrache le récitatif d'un « Or sai chi l'onore » plutôt mieux contrôlé puis semble à la peine dans le redoutable « Non mi dir ». Elvira mâche par moments son texte, aplatit vilainement ses a, manque de grave et de linéarité dans son air viennois du II. De Zerline, notre préférée, à son avantage dans « Batti, batti », nous avons suggéré le fruité, face à un Masetto sonore. Ottavio honore les deux airs, Vienne et Prague successivement, sans mièvrerie ni fluidité ou grâce particulière, virilement, variant chaque fois ses reprises. Le Commandeur impressionne Leporello plus sûrement que l'auditeur. Lequel partage sans ergoter la liesse du sextuor final.

J.C.