Benno Kusche (Leporello), Margaret Harshaw (Donna Anna), James Pease (Don Giovanni), Hervey Alan (le Commandeur), Léopold Simoneau (Ottavio), Sena Jurinac (Donna Elvira), Anny Schlemm (Zerlina), Thomas Hemsley (Masetto), The Royal Philarmonic Orchestra, dir. Sir Georg Solti (live, Glyndebourne, 17 juillet 1954).
CD Nimbus Records NI 7964. Bonus : Italo Tajo, airs de Mozart. Distr. DistrArt Musique.
Tout collectionneur sera intéressé à posséder un souvenir de l'unique série de prestations de Georg Solti au festival de Glyndebourne. Plus précisément de l'un des neuf Don Giovanni qu'y dirigea en 1954 le quadragénaire - invité peu avant, sur la recommandation de Furtwängler, au festival d'été de Salzbourg où il officiait naguère comme assistant de Toscanini. Il est à craindre que le seul attrait de cette intégrale remasterisée selon les méthodes propres à Nimbus Records, pour le meilleur et le moins bon, ne réside dans la nostalgie du passé qu'elle vient alimenter. Le son monaural et l'étroitesse de spectre affectant voix et orchestre ne sont pas seuls responsables de la frustration engendrée par ces captations. A dire vrai, entre ce Mozart-ci et Solti, ce n'aura jamais été un mariage d'amour. Curieusement, le chef n'aura pas trouvé le ton juste pour marier l'ironie à l'empathie, la légèreté au dramatisme, le buffo au serio, sans doute enfermé dans le contresens habituel à l'époque sur le dramma giocoso, cette variante de l'opera buffa lestée par les romantiques d'une dimension tragique qui lui est étrangère. Et que le génial Busch avait su ignorer in loco en 1936. Le fil du discours, distendu par d'incessants accès de fièvre rythmique, échoue ici à unifier les diverses facettes de la partition. Mais, surtout, la troupe convoquée souffre de mille et un travers. A commencer par le Don du baryton-basse américain James Pease, wagnérien capable de se couler dans les subtilités de Peter Grimes mais à court d'imagination et d'école devant l'italianità de son héros : « Finch'han dal vino » trop rapide et boulé, sérénade lentissime privée de soutien, récitatifs dénués du moindre charme pervers. A ses côtés, un clone de Corena entendu chez Klemperer, cabotin nasal, surjouant son valet ; une Zerline hier Elvira ou Desdémone mais composant une fausse ingénue insupportable de mignardise ; une Anna de grande réputation venue du Met mais aux aigus droits comme des flèches, nourrie au lait wagnérien, impétueuse mais exotique. Masetto comme le Commandeur ne faisant que passer, il reste à se délecter des beautés dispensées par la jeune Jurinac et le sublime Simoneau. Sauf que la première, encore un peu verte, figure à moult reprises dans la discographie pléthorique de l'opéra, souvent de manière plus éblouissante, et que le second y mérite nos éloges fervents à plus de six ou sept reprises. Pour inconditionnels de Solti, donc, ou admirateurs du grand Italo Tajo dont un superbe récital Cetra est offert en bis.
J.C.