Bo Skhovus (Don Giovanni), Kyle Ketelsen (Leporello), David Bizic (Masetto), Colin Balzer (Don Ottavio), Marlis Petersen (Donna Anna), Kristine Opolais (Donna Elvira), Kerstin Avemo (Zerlina), Anatoli Kotscherga (le Commandeur). Freiburger Barockorchester, dir. Louis Langrée, mise en scène : Dmitri Tcherniakov (Aix-en-Provence 2010).
DVD Bel Air Classiques BAC080. Distr. Harmonia Mundi.
Le voilà donc au DVD, ce Don Giovanni d'Aix-en-Provence 2010. Don Giovanni « de Dmitri Tcherniakov » avant tout : le metteur en scène récrit l'histoire, les rapports entre les personnages et les enjeux de leurs actes, et tronçonne la partition par des silences imposés, en une réappropriation confinant à l'incompréhensible. C'est Dernier Tango au Kremlin, avec un Juan-épave déguisé en Brando et vivant aux crochets d'une nomenklatura sclérosée s'adonnant à la vengeance familiale. Suive qui peut. Reste que le DVD sauve la part la plus intéressante d'un tel travail : une direction d'acteurs qui fouaille au plus à vif le moindre mot, la moindre idée, avec des moments de grâce dont les interprètes sont de brillants vecteurs. La captation d'Andy Sommer sublime en outre les lumières crépusculaires de Gleb Filshtinsky. Musicalement, outre le Mozart farouche d'Anna et Elvira et celui plus aristocrate d'Ottavio, le charisme halluciné de Bo Skhovus - malgré une voix-souvenir -, le mordant magistral de Kyle Ketelsen - cruel, séducteur, détaché : un vrai Don Giovanni ! - et la direction élégante de Louis Langrée, font le sel d'un document inclassable. Preuve est faite que Mozart résiste à tout.
C.C.