Franz Hawlata (Morosus), Julia Bauer (Aminta), Bernhard Berchtold (Henry), Monika Straube (la Gouvernante), Andreas Kindschuch (le Barbier), Guibee Yang (Isotta), Tina Penttinen (Carlotta). Chœur de l'Opéra de Chemnitz, Philharmonie Robert Schumann, dir. Frank Beermann (2012).
CD CPO 777757-2. Distr. DistrArt.

La discographie de La Femme silencieuse s'est modestement étoffée ces dernières années, ajoutant au Morosus exemplaire de Hans Hotter deux autres barbons formidables, qu'ils soient captés en scène - Kurt Böhme par deux fois - ou au studio - un stupéfiant Kurt Moll pour Pinchas Steinberg à Munich, enregistrement devenu hélas introuvable. Voici enfin celui de Franz Hawlata, qui y fut irrésistible en scène à l'Opéra de Vienne voici déjà dix ans - enfin, mais aussi un peu tard : si les mots claquent toujours avec brio, la voix a perdu de son mordant, la basse en est élimée, la justesse incertaine çà et là. Mais on avoue s'en moquer tant le personnage est là, savoureux dans ses colères, délicieux dans sa lubie du silence qui autorise Strauss à écrire un de ses opéras les plus brillants mais aussi les plus bruyants, irrésistible de présence, véritable frère jumeau du Baron Ochs, une touche de vinaigre en plus. Alentour, l'équipe est vaillante mais modeste : le ténor de Bernhard Berchtold est un peu fragile encore pour se mesurer aux phrasés galbés et aux aigus à découvert d'Henry ; même si elle ne manque pas de piquant, l'Aminta de Julia Bauer n'a que peu d'argent et d'or dans son aigu, s'égosille plus qu'elle n'épate. C'est que derrière le caractère irascible il faut pouvoir jouer ici d'un vrai charme, ressort caché d'un personnage qui ne doit pas être qu'une mégère de comédie. Un Barbier sans trop d'esprit, une troupe de théâtre en revanche finement appariée, un orchestre disert sinon luxueux, un chef pragmatique comme Strauss disait les aimer, un bonne prise de son qui ne nous console pas d'un spectacle qu'on aurait plutôt aimé voir que simplement entendre, voilà qui ne devrait pas vous priver d'une nouvelle Femme guère silencieuse et décidément bien troussée.

J.-C.H.