Christopher Maltman (Friedrich) Manuela Uhl (Isabella), Peter Lodahl (Lucio), Maria Miro (Marianna), Ilker Alkayürek (Claudio), Orch. du Teatro Real, dir. Ivor Bolton, mise en scène : Kasper Holten (Madrid, 2016).
DVD Opus Arte OA 1191 D. Distr. DistrArt Musique.
On constate ces dernières années un regain d'intérêt pour le Wagner de jeunesse. Ainsi, l'an dernier, l'excellente production de la Défense d'aimer mise en scène par Mariame Clément à Strasbourg avait été précédée de cet autre spectacle monté à Madrid, en co-production avec Covent Garden, dont le metteur en scène Kasper Holten était alors le directeur. Pour cette comédie romantique où les influences d'Auber et Donizetti sont au moins aussi présentes que le Wagner à venir, le metteur en scène danois joue résolument la carte de la farce et du divertissement, en optant pour l'actualisation. Dans un décor et des costumes aux couleurs criardes et pour tout dire assez vulgaires, tout est fait pour accentuer le décalage burlesque : les policiers sont des bobbies londoniens, Marianna noie sa mélancolie en engloutissant un paquet de chips, le décret de Friedrich limitant les libertés publiques est annoncé par un tweet, Brighella se déguise en walkyrie pour le carnaval. C'est divertissant mais un peu facile et pas très léger.
La direction d'Ivor Bolton s'empare avec une belle énergie de cette partition à mi-chemin entre l'opéra-comique français et le romantisme, laisse d'autant moins de temps morts que l'on n'a pas reculé devant d'importantes coupures, et il obtient le meilleur de chœurs extrêmement sollicités. Il est exactement dans le ton, ce qui n'est pas le cas de tous les chanteurs. Manuel Uhl a la voix trop lourde pour Isabella, évoquant les futures héroïnes wagnériennes au détriment de la dimension belcantiste de l'écriture. A l'inverse, Peter Lodahl est un ténor trop léger, mozartien sous-dimensionné pour un emploi non dépourvu de vaillance, ce commentaire s'appliquant aussi au baryton Ilker Alkayürek, tandis que la mezzo Maria Miro n'est pas dépourvue d'acidité. C'est finalement chez les dépositaires de l'autorité que l'on rencontrera le plus de présence, que ce soit le Friedrich impérieux et grotesque de Christopher Maltman, ou le Brighella savoureux d'Ante Jerkunica. Une version d'attente.
C.M.