Franz Mazura (Tamerlano), Helen Donath (Asteria), Keith Engen (Andronico), Raili Kostia (Irene), Kari Nurmela (Leone), Cappella Coloniensis, Ferdinand Leitner (live, 1966).
CD Hänssler Profil 11029. Notice en anglais. Distr. UVM Distribution.
C'est entendu : la « révolution baroqueuse » intervenue dès les années 1970 nous a permis de réévaluer de nombreux ouvrages, rendus à leurs couleurs, proportions et expressivité d'origine. Mais il ne faut pas croire pour autant qu'avant cette date les opéras dits « sérias », notamment ceux de Haendel, n'étaient jamais donnés ou alors sous une forme inacceptable aujourd'hui. A la tête de la Cappella Coloniensis - orchestre fondé en 1954, jouant (d'abord) sur instruments modernes mais selon des effectifs en accord avec les pratiques de l'époque des partitions -, Ferdinand Leitner s'est penché non sans intuition sur le répertoire pré-mozartien. Ce rare Tamerlano (pas même recensé dans l'impeccable Dictionnaire de la musique ancienne et baroque de Robert Laffont) en apporte une preuve. Certes, il faut faire avec les transpositions et les coupures. Comme il était d'usage, en un temps qui n'avait pas encore vu fleurir les contre-ténors, les deux principaux protagonistes masculins passent de la tessiture d'alto à celle de basse - Karl Richter n'agira pas autrement dans son Giulio Cesare de 1970 (chez DG, avec Fischer-Dieskau dans le rôle-titre). Franz Mazura et Keith Engen se montrent d'ailleurs plutôt impressionnants en princes rivaux, et n'était son accent teuton, le second camperait un Andronico-basse des plus probants. Helen Donath gazouille joliment mais Asteria (l'une des parties les plus sombres de Haendel) réclame davantage que des gazouillis, tandis que le ténor américain Donald Grobe (pas même mentionné par la notice !) s'avère bien fade dans le rôle prédominant de Bajazet. Les coupures sont nombreuses mais habiles : presque aucun air n'est totalement supprimé (seuls deux morceaux très dispensables disparaissent), même si beaucoup se voient réduits à leur seule partie A, voire, pour « Bella gara »... à leur ritournelle ! Et il faut bien admettre que ces coupes, qui préservent l'intégrité des pages principales, ont été faites avec discernement, de telle sorte que le concert (enregistré en public et donc émaillé de nombreuses erreurs de texte), alertement dirigé, n'ennuie jamais. Un témoignage qui pourra séduire les allergiques au style « historiquement informé ».
O.R.