Katherine Watson (Isbé), Reinoud van Mechelen (Coridon), Thomas Dolié (Adamas), Chantal Santon-Jeffery (Charite), Alain Buet (Iphis), Purcell Choir, Orfeo Orchestra, dir. György Vashegyi (2016).

CD Glossa 924001. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.

Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772) a composé moins de dix opéras, dont une seule tragédie lyrique (Thésée, 1765 : un bide). Ses autres œuvres scéniques relèvent de l'opéra-ballet et/ou de la pastorale, ce qui n'entame en rien leur hauteur d'inspiration. Les deux qui nous étaient déjà connues (Titon et l'Aurore, gravée par Minkowski pour Erato ; Les Fêtes de Paphos, par Rousset pour L'Oiseau-Lyre) nous avaient impressionné ; Isbé (1742), son premier essai dans le genre de la « pastorale héroïque », frappe tout autant : d'une inventivité et d'un coloris puissants, sa musique est un enchantement permanent. On ne sait qu'admirer le plus, des pantomimes disloquées et chromatiques de la Mode (Prologue), du « lever du jour » et des « oiseaux » de l'acte I, des transcendantes invocations d'Adamas au II, des scènes ponctuées de motifs instrumentaux récurrents (début du V : Rameau s'en souviendra dans Les Boréades) ou des trois duos d'amour d'une sensualité ébouriffante, dont le dernier, avec chœur, se hisse à la hauteur des grands motets du maître. Même si l'on sent bien - par exemple, dans le Prologue, les trios des Hamadryades et le « tonnerre » - que Mondonville se pique de jouter avec Rameau, son style moins cérébral, plus directement théâtral, jouant volontiers des grands intervalles, ostinatos rythmiques, fugatos et mélismes italiens, se reconnaît d'emblée et envoûtera ceux que Rameau, parfois, tient à distance. Un reproche à lui faire ? Ses sujets. Ici, l'hésitation de la bergère Isbé entre le pâtre Coridon et le chef des druides Adamas, longuement étirée sur cinq actes, ne passionne guère et fléchit dans les actes centraux, la luxuriance de la musique finissant par desservir la pièce : « trop de notes », ne peut-on s'empêcher de penser à l'écoute, par exemple, de la scène 3 de l'acte III, surchargée de motifs et de vocalises.

Après avoir collaboré à la reconstitution d'une partition en partie lacunaire, Vashegyi dirige l'œuvre avec tact, enthousiasme, sens du mouvement et des climats ; parfois, on aimerait davantage de pathos (par exemple, pour le désespoir d'Adamas), mais les couleurs et les phrasés de son orchestre restent constamment séduisants. Pareillement, si l'on tique devant l'accent exotique du Purcell Choir, on admire ses sonorités (très beaux hautes-contre !) comme sa virtuosité, dans des pages redoutablement exigeantes. En revanche, la distribution reste perfectible, surtout côté personnages secondaires : on prise toujours aussi peu l'émission engorgée de Buet, l'élocution de Santon-Jeffery (plus à son aise dans les coloratures) et on se passerait des aboiements de Folio Peres. Watson campe une Isbé élégante et solide mais avare d'expression, Dolié, un Adamas touchant, éloquent, un peu instable aux deux extrêmes du registre ; enfin, Van Mechelen flatte davantage la délicatesse que l'audace de Coridon, écrit pour Jélyotte. En dépit de ces réserves, une découverte majeure.

O.R.