Marie-Ève Munger (Isabelle), Marie Lenormand (Marguerite de Navarre), Jeanne Crousaud (Nicette), Michael Spyres (Mergy), Éric Huchet (Cantarelli), Christian Helmer (Girot), Emiliano González Toro (Comminge), Leandro César (le Brigadier), Manuel Rebelo (Un exempt du guet), Tiago Batista, Nuno Fonseca (Archers). Orchestre et Chœur de la Fondation Gulbenkian, dir. Paul McCreesh (2015).

CD Ediciones Singulares/Palazzetto Bru Zane, vol. 13, ES 1025. Distr. Outhere.

Comme dans Les Huguenots, un huguenot et une catholique s'aiment. Comme Les Huguenots, Le Pré aux clercs vient de la Chronique du règne de Charles IX de Mérimée. Mais quatre ans avant que Meyerbeer ne fasse périr le couple sous les coups des fanatiques de la Saint-Barthélémy, Hérold permet à ses tourtereaux de se marier et de se sauver grâce à l'aide... de la même reine Margot. Et si Les Huguenots sont un grand opéra pur jus, Le Pré aux Clercs incarne l'opéra-comique. Mais les deux œuvres se rejoignent par le succès : leur création fut un triomphe et elles constituèrent pendant longtemps des piliers du répertoire français. Succès sans lendemain pour Hérold, que la tuberculose emporta un mois après, en janvier 1833, alors que Meyerbeer continuerait à se couvrir de lauriers, notamment avec Le Prophète en 1849.

On avait beaucoup goûté, à l'Opéra-Comique, la direction vive et colorée de Paul McCreesh, qui resituait pertinemment la partition de Hérold dans son contexte des années 1830 et détaillait les finesses de l'orchestre : on la retrouve ici avec plaisir, même si le premier acte paraît plus lisse à l'écoute - l'absence de l'image, peut-être. Les chanteurs sont les mêmes, à l'exception de la Ninette déliée et délurée de Jeanne Crousaud qui succède à Jaël Azzaretti. Marie-Ève Munger a l'agilité - jusqu'au contre-mi - et le charme d'Isabelle, Marie Lenormand l'autorité protectrice de la reine Marguerite. Mais la pierre d'achoppement de l'œuvre, comme toujours dans ce répertoire, c'est le ténor : le brillant Michael Spyres déploie une ligne sans faille, une souplesse belcantiste, une colorature parfaite, sans insulter jamais à la prosodie française - seuls les dialogues parlés mettent à nu un certain exotisme de l'accent, alors que tous les autres y sont très crédibles. A l'opposé, Éric Huchet incarne parfaitement le ténor de caractère en Cantarelli, alors que Christian Helmer, au talent très prometteur, donne presque trop de noblesse au cabaretier.

On disposait, pour ce Pré aux clercs, d'un concert de la Radio, très typique d'un certain chant français et complété par divers extraits, que Gérard Condé a chroniqué dans notre numéro 287. Les personnages étaient parfois croqués avec plus de caractère, mais ce nouveau volume de la collection du Palazzetto Bru Zane s'avère, stylistiquement, beaucoup plus pertinent - la comparaison entre Joseph Peyron et Michael Spyres est même assez cruelle... 

D.V.M.