Lisa Castrignano, Giorgia Cinciripi, Silvia Frigato (sopranos), Lea Desandre, Lucia Napoli, Loriana Castellano (mezzo-sopranos), Sara Mingardo, Francesca Biliotti (contraltos). Cenacolo Musicale.
CD Arcana A 424. Notice en français. Distr. Outhere.
Pâmoisons, fureurs jalouses, extases, rires cruels, larmes amères : toutes les affres de l'eros italien se voient illustrées par ces sept cantates et duos dus à trois compositeurs de la première moitié du XVIIIe siècle. Agostino Steffani (1654-1728) - le chanoine-agent secret récemment remis en lumière par deux intégrales concurrentes de sa Niobe (Erato et Opus Arte) et une Cecilia Bartoli absurdement grimée en Jésuite ("Mission", chez Decca) - brille par ses acerbes jeux de rythme et son contrepoint ludique. Giovanni Bononcini (1670-1747), en digne rival de Haendel, lorgne plutôt du côté de l'opéra : "Sempre piango/sempre rido" campe une irrésistible scène de ménage entre deux altos tandis que le vaste et virtuose "Chi d'Amor tra le catene" distribue, indifféremment et de façon très moderne, récitatifs, duetti et arie à deux sopranos. Mais l'acmé affective du disque réside dans les deux poignantes pages d'Antonio Lotti (1666-1740, mieux connu pour sa production religieuse), dont le premier, avec sa bouleversante imitation des larmes, donne son titre au disque. Enfin, au cœur du programme se dissimule un joyau : "Fuggi pur, o crudele", lamento sur basse obstinée relevant d'un genre plus ancien, attribué à un illustre inconnu, Francesco Lucio (1628-1658), contemporain de Cavalli. C'est Sara Mingardo qui l'entonne, avec une palpable émotion. Tour à tour tendrement maternelle, abyssalement androgyne, caressante, distante ou vibrante, la sublime alto fait ici figure de "marraine" pour sept autres jeunes cantatrices, toutes d'origine italienne. Et cela s'entend ! Certes, cette chatoyante panoplie de voix féminines n'est pas entièrement dépourvue de scories - çà et là, on regrette un timbre encore acide (chez les sopranos), un soutien encore perfectible. Rien qui puisse gâcher le plaisir distillé par leurs sensuelles étreintes - d'autant que l'accompagnement s'avère divin de tact et d'engagement. Si Ugo Nastrucci au théorbe et à la guitare, Donatella Busetto à l'orgue et Giorgio Dal Monte au clavecin sont parfaits, on remarque avant tout le superlatif violoncelle de Gioele Gusberti, aussi expressif dans les ostinati de Lucio et Lotti que dans les mélodies éperdues de Bononcini (lui-même violoncelliste fameux). Last but not least : la notice du CD est signée du grand vivaldien Michael Talbot. Rien n'a donc été laissé au hasard et il faut saluer bien haut cette nouvelle réussite à mettre au crédit de l'excellente maison d'édition Arcana.
O.R.