Manfred Voltz (Wotan), Marisa Altmann-Althausen (Fricka), Christian Franz (Loge), Cyril Assaf, Sedat Öztoprak (Donner), Omar Jara (Froh), Inga Fischer, Anja Vincken (Freia), Silke Marchfeld (Erda), Klaus Wallprecht (Alberich), Manfred Jung (Mime), Markus Hollop (Fasolt), Dieter Hönig (Fafner), Marisca Mulder, Christa Plazer (Woglinde), Petra Schmidt (Wellgunde), Gundula Schneider (Flosshilde), Orchester Staatstheater Kassel, dir. Roberto Paternostro (live, Kassel 1999).
CD ARS 38051. Notice en anglais et en allemand. Bonus : interview de Michael Leinert par Thomas Voigt (en all.). Distr. UVM Distribution.
Depuis le début du XXIe Siècle, les théâtres lyriques d'outre-Rhin veulent tous leur Ring. Qui s'en plaindrait ? Michael Leinert les avait tous précédés en présentant entre 1997 et 1999, sur sa scène de Kassel, une lecture fulgurante de L'Anneau qui fit date. En voici le premier volet de la seule captation sonore, les quelques photos dispersées dans le livret avivant un regret : car il ne fut apparemment pas filmé, tout enfant naturel de la production de Patrice Chéreau fût-il. La puissance suggestive du geste de Leinert, portée par une direction d'acteurs expressionniste où chaque personnage prenait une dimension saisissante, s'entend d'ailleurs dans la seule musique. Roberto Paternostro dirigeait preste, collant à la suractivité de la scène, exaltant la modernité radicale de la « petite comédie » voulue par Wagner pour ouvrir sa Tétralogie ; il y a autant de métal, d'abrasion sonore que dans le Rheingold inventé par Pierre Boulez pour Bayreuth. Tout un théâtre constamment ironique y raille ou tonne : les Géants sont de vrais dragons avant l'heure, l'Alberich de Klaus Wallprecht un monstre impérieux et plus du tout un disgracié, le Mime anthologique de Manfred Jung prend des accents de mage funeste et les Dieux, en comparaison, ne sont que passion humaine, désarmés devant le Nibelheim qui aura raison d'eux. Ce saisissant renversement fait de ce Rheingold l'un des plus absolument noirs, amers, désespérés qu'on ait croisés, une comédie effrayante où tout n'est que désillusion. La troupe assemblée chante avec style, quelque gemmes se détachent : le Loge de Christian Frantz, de timbre inhabituellement noble, l'Alberich de Wallprecht si suggestif, l'adresse de l'Erda décidément très prophétesse de Silke Marchfeld et le Wotan déjà désabusé de Manfred Voltz. L'ensemble rappelle à quel point le chant wagnérien renaissait alors, achevant de donner tout son sens au projet de Kassel ; que certains rôles soient partagés entre deux interprètes, lot d'une captation répartie sur plusieurs soirées, n'en affadit en rien l'éloquence.
J.-C.H.