Annick Massis (Manon), Alessandro Liberatore (Des Grieux), Pierre Doyen (Lescaut), Roger Joakim (le Comte), Papuna Tchuradze (Guillot), Patrick Delcour (Brétigny), Sandra Pastrana (Poussette), Alexise Yerna (Rosette), Sabine Conzen (Javotte). Chœur et Orchestre de l'Opéra royal de Wallonie-Liège, dir. Patrick Davin. Mise en scène : Stefano Mazzonis di Pralafera (Liège, octobre 2015).
DVD Dynamic 37751. Distr. Outhere.
Tout commence par la fin, comme si l'on revivait les événements : la production liégeoise de Stefano Mazzonis di Pralafera est conçue comme un récit rétrospectif, à l'image du roman de l'abbé Prévost. On suit l'itinéraire de Manon comme on feuilletterait un album de cartes postales ou un livre d'images, qui constituent le décor de l'opéra. Des costumes d'époques différentes donnent à l'histoire une sorte d'actualité permanente : on reste toujours plus ou moins dans le vingtième siècle, ce qui fait du « sphinx étonnant » une femme proche de nous. Rien de révolutionnaire ici ? Tel n'est pas le propos du metteur en scène, directeur de la maison, très éloigné de tout concept façon Regietheater. Cela donne une production bien faite, une direction d'acteurs traditionnelle, un premier degré assumé. Si l'on a évidemment connu plus stimulant pour l'esprit, on ne boude pas son plaisir.
Lequel vient d'abord d'Annick Massis, même si la voix s'est légèrement patinée. Trouverait-on aujourd'hui articulation meilleure, équilibre plus subtil entre le chant et la déclamation, interprétation plus juste et plus fine ? Au deux premiers actes, cette Manon en perruque blonde n'a jamais la fraîcheur mièvre, elle mûrit ensuite pour aller vers son destin : magnifique incarnation. Elle aurait mérité Chevalier mieux assorti que le Des Grieux d'Alessandro Liberatore, émission serrée, français à la napolitaine, chant également exotique : malgré la générosité du timbre et de la composition, il y a erreur sur le répertoire et cela passe mal au sein d'une distribution homogène assez bien adaptée aux canons du style français, en particulier le cousin et le père. On trouvera seulement le Lescaut de Pierre Doyen encore un peu vert et le Comte de Roger Joakim encore un peu léger et barytonnant.
Efficace, Patrick Davin a affiné sa direction depuis ses Manon genevoises de 2004. Mais si elle témoigne d'un sens certain du théâtre, elle reste souvent assez prosaïque, alors qu'on aimerait par exemple des couleurs plus subtiles. Il a choisi la version avec récitatifs chantés au lieu des dialogues, ce qui dénature un peu l'esprit de l'opéra-comique mais nous épargne peut-être ici ou là une défiguration de la langue et de la prosodie françaises. Les deux derniers actes s'enchaînent ainsi sans le dialogue entre Des Grieux et Lescaut.
D.V.M.