Anne-Marie Rodde (Hébé, Fatime), Sonia Nigoghossian (Phani, Zaïre), Rachel Yakar (Emilie), Janine Micheau (Zima), Bruce Brewer (Valère, Carlos, Tacmas, Damon), Pierre-Yves Le Maigat (Huascar), Christian Tréguier (Bellone, Osman, Alvar), Jean-Marie Gouélou (Adario), Ensemble vocal Raphaël Passaquet, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, dir. Jean-Claude Malgoire (1974). Réédition.
CD Sony. Pas de livret. Distr. Sony.
En 1974, deux "intégrales" des Indes galantes sont enregistrées : l'une, pour Erato, est dirigée par Jean-François Paillard, qui recourt à un important orchestre traditionnel (accordé au diapason 440) et à une édition assez complète ne correspondant pour autant à aucune des versions données du vivant de Rameau ; l'autre, pour CBS, par Jean-Claude Malgoire à la tête de son récent ensemble né en 1966, qui n'emploie désormais que des instruments anciens (ou copies d'anciens) - accordés donc un demi-ton plus bas - et fait choix d'une version légèrement écourtée, afin de tenir sur trois LP. C'est cette dernière qui nous revient aujourd'hui - enfin ! -, sur disques compacts. Sans entrer dans les détails, un mot de la version : celle-ci, dès l'Ouverture, évacue toutes les reprises, mais aussi nombre de morceaux de premier plan - à commencer par les dernières scènes du Prologue (exit, donc, le rôle de l'Amour), l'Ariette de Zima "Régnez, plaisirs et jeux" et diverses danses (l'"Orage" de la IIIe Entrée). En revanche, elle réintroduit des pages "alternatives" écartées par Paillard - l'air de Bellone "C'est la gloire" et, surtout, l'Ariette italienne "Fra le pupille", que citera Richard Strauss. Côté distribution, on mêle, comme chez Paillard, quelques anciennes gloires (une Janine Micheau assez fanée) à des interprètes déjà rodés au style "à l'ancienne", tels Bruce Brewer qui s'arroge la presque totalité des rôles de haute-contre. Moins éprouvés que leurs rivaux de chez Erato, les chanteurs de Malgoire restent timides, notamment en ce qui concerne l'ornementation, mais certains rôles apparaissent fort bien campés, à commencer par le très noble Huascar de Pierre-Yves Le Maigat et le viril Adario de Jean-Marie Gouélou. Davantage que la direction de Malgoire, encore tâtonnnante (guère de nuances, trop de césures entre récits et "morceaux") mais néanmoins allante, on apprécie les sonorités vertes, astringentes de la Grande Ecurie, qui magnifient les pages les plus chambristes (très poétique Air pour les Fleurs). Dès les premières mesures, l'étrangeté de Rameau, qu'il faut bien qualifier de "baroque", son orchestration multicolore et ses phrases anguleuses, nous sont restituées avec une fraîcheur que l'on ne retrouvera pas forcément chez des interprètes plus aguerris. Certainement pas une référence, donc, mais d'émouvantes retrouvailles...
O.R.