Oehms OC 966 (2 CD). En allemand. Distr. Outhere.
C'est un des opéras les plus intéressants de l'époque... et l'un des moins enregistrés. Janáček, de toute façon, a éclipsé Martinů qui établit lui aussi, dans Juliette, une relation privilégiée entre la musique et la langue tchèque. Cela invalide-t-il toute version dans un autre idiome ? Le compositeur avait en tout cas réalisé lui-même une adaptation française - qui n'est pas celle utilisée pour le concert dirigé par Charles Bruck à la RTF. Mais l'allemand, par exemple, comme ici à Francfort ? Question d'autant plus délicate que cet « opéra lyrique » comporte d'assez copieux dialogues parlés, consubstantiels à la partition. Les gardiens du temple ont leur réponse, les pragmatiques aussi. Les seconds se réjouiront de voir qu'une troisième version de Juliette enrichit notre discothèque, confirmant l'excellence du travail accompli par Sebastian Weigle à Francfort, où il dirige volontiers des œuvres oubliées ou méconnues, fidèlement suivi par Oehms. Très différent de Bruck ou de Krombholc, le chef allemand inscrit l'œuvre dans la modernité de l'entre-deux-guerres, se rapprochant même parfois de Hindemith ou des Viennois, avec une direction très analytique, aux couleurs nettes, mais nullement insensible à la poésie et au mystère, assez chambriste parfois. Kurt Streit est un Michel subtil, assez solide pour assumer les tensions du rôle, assez léger pour s'identifier au garçon perdu dans ses rêves, en quête d'un inaccessible absolu, qui s'incarne ici dans la Juliette fruitée, énigmatique mais jamais évanescente de Juanita Lascarro. Autour d'eux, un ensemble parfait, avec ces petits rôles qu'il faut caractériser malgré tout : écoutez par exemple la scène 7 du troisième acte, entre Michel, le Bagnard d'Andreas Bauer et l'Employé de Michael McCown. Une Juliette pour germanophones, que le DVD rendrait sans doute plus séduisante à ceux qui ne connaissent pas la langue de Goethe. Mais on salue la qualité de la réalisation, Krombholc restant la référence.
D.V.M.