CD CPO 777 877-2. Notice en français. Distr. DistrArt Musique.
D'abord rodée en public, dans une mise en scène « à l'ancienne » de Gilbert Blin (Boston Early Music Festival, 2009), puis gravée en studio (2013), cette jolie version d'une partition très fréquentée tend à restituer les conditions de la création de 1718 : pour les rôles de protagonistes et le chœur, elle ne fait donc appel qu'à six chanteurs et, pour l'orchestre, qu'à un ensemble de dix musiciens (sans altos - hautbois et flûtes étant joués par les mêmes solistes). L'équilibre ainsi obtenu, superbe de fraîcheur, de clarté et de couleurs, nous fait tendre l'oreille à une multitude de détails d'instrumentation ; par exemple, au rôle du premier hautbois (parfait Gonzalo Ruiz), tantôt fondu dans la partie de cordes, tantôt joutant avec elle, tantôt imitant la trompette. Dommage que la double direction des continuistes O'Dette et Stubbs manque souvent de caractère, d'esprit (« Hush, ye pretty warbling Quire ! »), de théâtralité (« Cease to beauty »). Il est vrai que les rôles de Polyphème et de Galatée ont été distribués à des chanteurs bien fades - un baryton gentillet et une soprano au chant plat, inexpressif. Amanda Forsythe, sous-utilisée dans cet Acis (elle n'y est que soprano ripieno) mais à qui est dévolue, en complément de programme, la rare cantate avec basse continue « Sarei tropppo felice », aurait sans doute campé une Galatée plus corsée et piquante. Heureusement, on se rattrape avec les trois ténors. Trois, oui, puisque, disposant de cet effectif à Cannons, Haendel confia probablement l'un des airs de Damon à un autre berger, Coridon, afin d'offrir un solo à chacun de ses chanteurs : ce qui nous vaut d'apprécier dans « Would you gain » le timbre suave et charnel de Zachary Wilder, au discret vibratello. Un Jason McStoots tout aussi élégant mais fort léger, dont l'émission mixte de haute-contre reste encore un peu molle, chante le reste du rôle de Damon, tandis que celui, plus complet et complexe, d'Acis tombe parfaitement dans les cordes de l'émouvant Aaron Sheehan. Une lecture émaillée de moments ravissants (« Love in her eyes ») mais un peu trop liquoreuse, et ne pouvant véritablement concurrencer celles de Gardiner (Archiv) et King (Hypérion).
O.R.