Dinara Alieva (Magda), Charles Castronovo (Ruggero), Alexandra Hutton (Lisette), Alvaro Zambrano (Prunier), Stephen Bronk (Rambaldo), Chœur et Orchestre de la Deutsche Oper, dir. Roberto Rizzi Brignoli, mise en scène : Rolando Villazón (Berlin, 14/18 mars 2015).

DVD Delos DV 7010. Notice trilingue dont français. Distr. Outhere.

Principal atout de cette Rondine : son couple d'amants Magda/Ruggero. Dinara Alieva possède un timbre gorgé de sève, un chant généreux la qualifiant autant pour la séduction parisienne que pour cette ombre de maturité grave qui caractérise Magda. Charles Castronovo lui est très joliment apparié, de son ténor également mûri et approfondi, mais aux élans encore juvéniles. On est donc particulièrement conquis par le troisième acte, qui repose principalement sur eux. Mais si Stephan Bronk est un Rambaldo digne et bien chantant, Alexandra Hutton est une Lisette certes gracieuse mais peu courte, aux aigus parfois tendus, et le Prunier d'Alvaro Zambrano déçoit beaucoup : la voix paraît souvent détimbrée, comme manquant de soutien, en tout cas de corps, malgré d'indéniables intentions poétiques. Autre déception : la direction de Rizzi Brignoli qui, dès les premières notes de l'orchestre, manque de ce rebonds sensuel et jazzistique innervant la partition de Puccini, indispensable pour ne pas la faire tomber dans une gentillesse d'opérette. Chez Bullier, le chœur d'ouverture avoue bien des décalages fosse/plateau, et la conclusion en apothéose du toast « Beve al tuo sorriso » manque d'architecture, terriblement statique, ni Vienne ni Broadway.

Les années vingt et le surréalisme planent sur les élégants costumes de Brigitte Reiffenstuel et les décors de Johannes Leiacker. La mise en scène de Rolando Villazón y fait montre d'idées plus esthétiques que théâtrales : beaucoup de références sont convoquées (la Vénus d'Urbino du Titien, Le Violon d'Ingres de Man Ray, Magritte...), de nombreux figurants masqués prennent la pose en tableaux muets, mais le charme ne prend pas, faute de spontanéité pour faire vivre ce réseau de signes intellectuels - l'utilisation de la scène y est aussi pour beaucoup, semblant dérouler une Rondine en 2D tant le fond est ramené à un à-plat sans profondeur.

Rien de déshonorant, mais rien non plus qui fasse renoncer aux versions pour l'instant maîtresses de la vidéographie : Washington 1998 avec Ainhoa Arteta (Decca, Emmanuel Vuillaume / Marta Domingo) ou New York 2009 avec Angela Gheorghiu (EMI, Marco Armiliato / Nicolas Joel).

C.C.