Laura Giordano (Corinna), Marianna Pizzolato (la Marquise Melibea), Sofia Mchedlishvili (la Comtesse de Folleville), Alessandra Marianelli (Madame Cortese), Bogdan Mihai (Belfiore), Maxim Mironov (Libenskof), Mirco Palazzi (Lord Sidney), Bruno De Simone (Don Profondo), Bruno Pratico (Trombonok), Gezim Myshketa (Don Alvaro), Camerata Bach de Poznan, Virtuosi Brunensis, dir. Antonino Fogliani (live en concert, juillet 2014).

CD Naxos 8660382-84. Distr. Outhere.

Ce concert du festival de Bad Wildbad avait éclipsé l'extravagante version scénique qui s'ensuivit in loco, les jeunes chanteurs de l'Académie échouant à égaler la brochette de talents ici réunie et dont la pétulance se marie à un chant plus assuré. On ne saurait résister à l'ébriété vocale dispensée par cette œuvre de circonstance dont Rossini, nouveau Directeur de la Musique et de la Scène au Théâtre royal Italien de Paris, s'acquittait avec génie en 1825, illuminant le sacre du roi Charles X d'une pyrotechnie belcantiste digne de celle de Semiramide. Le compositeur avait, pour ce faire, toutes les cartes vocales en main, de la fine fleur du chant transalpin (Mlles Pasta et Mombelli, MM. Donzelli, Zuccheli et Pellegrini) aux gloires parisiennes (Cinti Damoreau, Levasseur), réunies sous sa férule musicale.

La barre est placée si haut qu'on se gardera bien de toute critique vétilleuse devant un plateau d'une jeunesse et d'une alacrité telles qu'il suffit d'en noter quelques faiblesses pour ne point tomber dans la flagornerie. Oui, la Folleville pince ses aigus encore verts, Madame Cortese syllabise mieux qu'elle n'arrondit ses sonorités aigrelettes, Corinne, accompagnée de sa harpe (désaccordée), gagnerait à ombrer ses mélismes. Mais sous la baguette, ici en situation, du fringant et stylé Antonio Fogliani, à la tête d'un orchestre fruité, les performances individuelles nous valent de délectables moments, comme le monumental ensemble à 14 voix qui les subsume. Souveraine et drôle, la marquise campée par Marianna Pizzolato, idéalement appariée au timbre (trop?) clair du suave et exemplaire Mironov, ce dernier éclipsant avec brio les vélléités aiguës d'un Alvaro pourtant sonore ou les joliesses de Belfiore, un rien étroit. Inénarrable, le vétéran De Simone en Don Profondo, aux côtés de l'irremplaçable Pratico en Trombonock. Et pour honorer cette intégrale absolue, fidèle à l'édition pésaraise de Janet Johnson et expurgée de la malicieuse Marseillaise hier introduite par Abbado, une équipe de seconds rôles relevant le défi avec panache. Parmi les treize captations, officielles ou privées, de ce joyau de la couronne, une version somme toute des plus attachantes.

J.C.