DVD DaCapo 2.110412. Sous-titres danois et allemands. Distr. Outhere.
Afin de souligner le 150e anniversaire de la naissance de Carl Nielsen (1865-1931), le Théâtre royal danois a monté une nouvelle production du premier de ses deux opéras, le très rare Saül et David (1902). Créé quatre ans avant l'ébouriffante comédie Maskarade (1906), l'ouvrage s'inspire - tout comme la tragédie biblique David et Jonathas (1688) de Marc-Antoine Charpentier et l'oratorio Saul (1739) de Haendel - du Premier Livre de Samuel. L'accent porte sur le sombre destin du premier roi d'Israël qui, après avoir encouru la colère de Yahvé en offrant lui-même l'holocauste, est dévoré de jalousie envers David et se donne finalement la mort à l'issue de la bataille contre les Philistins au mont Gelboé. Sur un livret d'Einar Christiansen, Nielsen a composé un opéra d'une grande force dramatique, d'une écriture orchestrale et chorale absolument luxuriante.
Sous la direction exaltante de Michael Schønwandt, l'Orchestre et les chœurs de l'Opéra royal danois brillent d'un éclat exceptionnel qui permet d'apprécier à sa juste valeur une partition renfermant des scènes d'une magnificence extraordinaire, en particulier lorsque le peuple juif acclame David en tant que nouveau roi. Dans le rôle écrasant de Saül, le baryton-basse Johan Reuter est le grand triomphateur de la soirée : grâce à une autorité vocale insolente et une présence scénique sidérante, il rend parfaitement plausibles les revirements psychologiques d'un être à la foi tourmentée, jaloux de ses prérogatives royales et qui doit composer avec son sentiment ambivalent face au vainqueur de Goliath. Digne successeur de Boris Christoff et Aage Haugland, qui ont gravé le rôle en 1972 et 1990, Reuter éclipse le reste d'une distribution globalement satisfaisante mais qui ne se hisse pas à un niveau comparable. Si les ténors Niels Jørgen Riis et Michael Kristensen s'investissent à fond dans leurs personnages de David et Jonathan, tous deux éprouvent malheureusement beaucoup de difficultés dans le registre aigu. Malgré un vibrato parfois large et un grave peu audible, Ann Petersen convainc davantage en Mikal (fille de Saül et épouse de David), grâce à un réel épanouissement vocal. On ne tiendra pas trop rigueur à Morten Staugaard de l'usure de son matériau, qui peut convenir au prophète Samuel, pour prêter surtout une oreille attentive à la mezzo Susanne Resmark, dont la Sorcière d'Endor se distingue par de très solides moyens.
La mise en scène de David Pountney transpose l'action à notre époque. Elle se déroule dans un décor constitué principalement d'un plateau central où se tiennent les solistes et de deux immenses pans de murs amovibles. Ceux-ci sont divisés en plusieurs cases représentant des appartements délabrés où sont le plus souvent situés les membres du chœur, installés devant leur écran de télévision. Dans la vision de Pountney, David est un jeune homme mal dégrossi, familier à l'excès et somme toute assez peu attachant, ce qui dédouane partiellement Saül de son antipathie à son égard. Plus intéressant nous semble le choix de faire de Samuel un fanatique, porte-parole de l'intransigeance morale et personnification de la religion triomphante. En dépit du livret qui le fait mourir au troisième acte, le metteur en scène le ramène sur scène au dernier tableau du quatrième acte, lui confie une réplique du général Abner et lui fait bousculer le roi David dont il usurpe la place d'honneur pour signifier que c'est lui qui détient le pouvoir suprême. Pour l'interprétation magistrale de Johan Reuter et la direction vibrante de Michael Schønwandt, ce premier DVD de l'œuvre s'impose avec évidence.
L.B.