CD Opera Rara ORC 55. Distr. Harmonia Mundi.
Zaza évolue comme chanteuse réaliste dans un beuglant de Saint-Etienne lorsqu'elle se prend d'amour pour un homme d'affaires parisien qui, en bourgeois rangé, se marie bientôt à une autre et que, dégrisée, elle finit par éconduire. Nourri de l'expérience acquise par Leoncavallo dans les cabarets parisiens où il officiait dans sa jeunesse comme accompagnateur, cet opéra aujourd'hui bien négligé (son dernier enregistrement officiel date de 2000, année du centenaire de sa première milanaise) retrouve ici un crédit assez justifié. Même si la partition, tout en camaïeu et grâces émoustillantes, s'éparpille un tantinet entre légèreté d'opérette, romances de salon et effets mélodramatiques, elle offre une déclinaison de vérisme pondéré, exempt de la rustauderie des standards du genre - à preuve, l'intimisme du IIIe acte. Les musicologues y ont d'ailleurs repéré, outre des emprunts aux viennoiseries de Waldteufel, des clins d'œil à Rossini et au Verdi de Falstaff. Mais ce qui fit le succès de la pièce française des nommés Berton et Simon comme de l'opéra en quatre actes dirigé à sa création par Toscanini, ce furent assurément les monstres sacrés qui s'emparèrent du rôle-titre : la célèbre comédienne Réjane d'abord, Rosina Storchio ensuite, chanteuse-actrice superlative. Ermonela Jaho, moins exposée en petite femme néo-puccinienne que dans ses improbables Traviata, ne crève pas l'écran mais fait de la fragilité de son organisation vocale un atout expressif des mieux venus, sous la baguette du toujours attentif et secourable Benini. On sera moins indulgent avec les engorgements Cascart, le partenaire sur les planches de la jeune fleur bleue, hier son amant, comme avec le ténor de série B, séducteur aux élans assez convenus. Osons dire qu'il manque à cette réalisation, captée en studio dans la foulée d'un concert du Barbican londonien, cette fougue sans complexe que suppose le vérisme, y compris dans ses variantes les plus soft.
J.C.