CD Linn CKD 522. Notice et synopsis en anglais. Livret téléchargeable. Distr. Outhere.
Les opérettes anglaises de W.S. Gilbert et Arthur Sullivan, délicieusement enjouées et spirituelles, ne sont pas pour rien dans la naissance du genre musical : elles furent exportées aux USA dès leur création et s'y taillèrent un franc succès, suscitant de nombreux épigones. De ces « Savoy Operas » (du nom du théâtre où la compagnie D'Oyly Carte les représentait à Londres), Le Mikado (1885) est sans doute le plus connu, avec Les Pirates de Penzance (1879). Mais HMS Pinafore (« HMS » pour « Her Majesty's Ship », désignant un bateau de la couronne britannique) n'est pas en reste : après des débuts difficiles en 1878, le titre s'impose à l'affiche pendant deux ans, est adapté pour enfants puis... piraté par des spectacles parallèles à New York, avant même que la D'Oyly Carte ne vienne y présenter la production authentique - triomphalement. L'intrigue naïve est l'occasion de brosser des caractères vocaux bien tranchés : la douce Josephine, fille du Capitaine Corcoran, est promise au fat Sir Joseph Porter alors qu'elle aime le simple marin Ralph, tout mélancolique de ne pouvoir briguer sa main ; malgré les intrigues du méchant Deadeye et sous les bons auspices de la gaillarde Little Buttercup (« Petit Bouton d'or »), tout finira bien... Comme à son habitude, Sullivan y va de ses talents de pasticheur, entre récitatifs seria et pages haendéliennes, jusqu'à l'hymne « For he is an Englishman » - plus vrai que nature et pour lequel on se lèverait de son fauteuil dans un élan patriotique - et à l'inénarrable « I am the Monarch of the Sea », drolatique chanson à rallonges de Sir Joseph Porter.
Le Festival d'Edimbourg offrait en 2015 une version de concert de HMS Pinafore, où les dialogues sont remplacés par un Narrateur qui ne se prive pas de quelques commentaires amusants ; au disque, cela passe bien mieux que les versions intégrales de musical où les dialogues parlés sonnent souvent creux sans le support de l'image. Tous les personnages sont parfaitement castés : John Mark Ainsley a l'aristocratie auto-satisfaite de Sir Porter, tandis que la tendresse triste de Toby Spence (Ralph) s'accorde à la lumière féminine d'Elizabeth Watts (Josephine). Généreux Capitaine d'Andrew Foster-Williams, et amusante Buttercup de Hilary Summers qui tube un peu sa voix pour se vieillir. Richard Egarr dirige avec verve un orchestre et des chœurs très précis et enlevés. Les anglophones seront certes privilégiés pour appréhender les paroles (et le livret téléchargeable), la notice et les saillies du Narrateur - mais la musique de Sullivan a suffisamment de charme et d'esprit pour se suffire à elle-même. Cette très jolie réalisation en constitue une porte d'entrée idéale.
C.C.