Diana Moore (Primavera), Suzana Ograjensek (Estate), Clint van der Linde (Autunno), Nicolas Phan (Inverno), Douglas Williams (Giove), Philharmonia baroque Orchestra & Chorale, dir. Nicholas McGegan (2015).

CD Philharmonia PBP-09. Notice en français. Distr. PBP.

Le 13 avril 1716 fut un jour doublement historique pour l'Empire allemand : l'impératrice Elisabeth-Christine donnait enfin le jour à un fils (Léopold, qui, hélas, ne vivra pas) et l'empereur Charles VI contractait une alliance avec Venise contre les Ottomans. Commandée par la noblesse napolitaine, la sérénade La gloria di Primavera fait largement allusion à ces événements, au fil d'un texte (de Nicolo Giovo, aussi auteur du livret d'Aci, Galatea e Polifemo de Haendel) alambiqué, qui voit les quatre Saisons se disputer la protection du nouveau-né, avant que Jupiter ne les réconcilie. Compositeur officiel de la cour de Naples, Scarlatti écrit la partition (comprenant une vingtaine d'airs, une dizaine d'ensembles et deux sinfonie) en moins d'un mois : le « vieux » musicien de cinquante-six ans y fait donner tous les jeux de son style, multipliant les effets rhétoriques (les nombreux récitatifs accompagnés sont magnifiques), les difficultés vocales (la soprano Margherita Durastanti, le castrat soprano Matteo Sassano et la basse Antonio Manna, premier Polifemo de Haendel, font partie du cast) et les subtilités orchestrales (outre les cordes et des hautbois très sollicités, l'œuvre requiert une flûte solo, deux trompettes et deux violoncelles concertants). Souvent intellectuelle et chantournée, pas toujours aisée à servir, cette écriture passionne nettement plus que, par exemple, celle d'un Caldara, dont Charles VI s'entichera par la suite...

Depuis de magnifiques Vêpres de sainte Cécile (AVIE, 2004), on connaissait les affinités de McGegan avec Scarlatti. Certes, le Britannique n'est toujours pas le chef le plus précis, le plus scrupuleux du monde et ça cafouille du côté des chœurs ou des quatuors contrapuntiques. Certes, sa distribution reste modeste : basse un peu trop rocailleuse (Williams), contre-ténor au beau timbre sombre mais perdant de vue la justesse dans les labyrinthiques adagios de l'Automne (Van der Linde), boyish soprano assez sèche (Ograjensek). Mais le plaisir de redonner vie à cette musique se perçoit à chaque instant, les ornements fleurissent avec naturel, l'italien chante, les hautbois sonnent et babillent. Et quand le suave ténor « à l'anglaise » Nicholas Phan, et l'encore plus souple et chaleureuse mezzo (vraiment anglaise, elle) Diana Moore tricotent les allegros du Printemps et de l'Hiver, on se laisse volontiers envoûter...

O.R.