Christine Rice (Carmen), Bryan Hymel (Don José), Aris Argiris (Escamillo), Maija Kovalevska (Micaëla), Nicolas Courjal (Zuniga), Dawid Kimberg (Moralès), Elena Xanthoudakis (Frasquita), Paula Murrihy (Mercédès), Adrian Clarke (le Dancaïre), Harry Nicoll (le Remendado), Orchestre et Chœur du Royal Opera House Covent Garden, dir. Constantinos Carydis, mise en scène : Francesca Zambello (Londres, juin 2010).

DVD Opus Arte OA 1197D. Distr. DistrArt Musique.

Cette production de Carmen est déjà bien connue des aficionados de Jonas Kaufmann et Anna Caterina Antonacci, puisqu'il s'agit du spectacle que Francesca Zambello avait monté à Covent Garden en 2006 pour ces deux interprètes. Si Opus Arte semble faire grand cas de l'effet 3D que procure le Blu-Ray de cette nouvelle captation enregistrée en 2010, on peut légitimement se demander comment le Royal Opera House a pu commercialiser une version à ce point tronquée. Couper la reprise du chœur des gamins au premier acte porte peu à conséquence, mais il est inadmissible que le chœur « À deux cuartos » et les trois entractes passent à la trappe pour ensuite servir uniquement de fond sonore pendant le générique. Les saluts des artistes ont eux aussi été victimes de cet esprit d'économie puisque le montage ne leur accorde qu'une apparition bien fugitive et coupe purement et simplement le chef d'orchestre... Sans être mémorable, la direction de Constantinos Carydis ne mérite certes pas un tel traitement. Il est vrai que le prélude et une bonne partie du premier acte laissent craindre le pire : manque affligeant de subtilité, tempi inutilement rapides, orchestre un peu brouillon et presque pompier. Fort heureusement, le chef se ressaisit par la suite et offre une lecture plus nuancée, à l'exception du duo final, où il pèche à nouveau par excès de précipitation.

Réservant une large place à des espagnolades assez convenues et à l'expression d'une sensualité on ne peut plus explicite, Zambello doit composer avec un décor vaguement abstrait qu'elle encombre d'animaux (cheval, âne, poulets) et d'une agitation souvent agaçante. Tout comme en 2006, le rôle de Lillas Pastia est curieusement tenu par une femme... Succéder à Antonacci et Kaufmann qui réussissaient à transcender une mise en scène plus ou moins inspirée représente un défi redoutable que Christine Rice et Bryan Hymel relèvent de façon plus qu'honorable. La Carmen de Rice est particulièrement intéressante et justifie amplement l'acquisition de ce DVD. Actrice douée, la mezzo britannique donne beaucoup de caractère à sa Bohémienne qui bénéficie en prime d'un timbre magnifique et d'un français très acceptable. Moins à l'aise sur scène, Bryan Hymel campe néanmoins un Don José intense et à l'endurance vocale impressionnante. Son Air de la fleur se termine sur un superbe pianissimo suivi... d'un crescendo moins heureux. Maija Kovalevska est un nom à retenir : Micaëla trouve chez cette soprano lettonne (ancienne élève de Mirella Freni) une interprète de grande classe aux éminentes qualités vocales. Très convaincant en toréador imbu de lui-même, Aris Argiris fait entendre une voix bien sonore mais dont la justesse n'est pas toujours irréprochable. Parmi les comprimari, on note Nicolas Courjal, Zuniga plein de morgue et à la diction parfaite. Les autres solistes et les chœurs font un travail honnête, sans plus. Ce sont donc d'abord Christine Rice, Maija Kovalevska et, à un moindre degré, Bryan Hymel qui valent le prix de cette Carmen malencontreusement amputée.

L.B.