Vivica Genaux (Orfeo), Francesca Lombardi-Mazzulli (Euridice), Jan Petryka (Imeneo) Ensemble Lorenzo da Ponte, Chœur de l'Académie du Saint-Esprit de Ferrare, dir. Roberto Zarpellon (2016, live).

Fra Bernardo  1601729. Notice en anglais. Distr. UVM Distribution.

En 1776, le compositeur Ferdinando Bertoni (1725-1813) reprend le livret d'Orfeo ed Euridice écrit par Calzabigi quatorze ans plus tôt pour Gluck. En outre, comme Gluck, il confie le rôle d'Orphée à son « jumeau », le castrat alto Gaetano Guadagni. C'est fort probablement ce dernier - dont on sait qu'il ne s'estimait guère flatté par la partition de Gluck - qui l'y pousse. Le coup de pub fonctionne et Venise applaudit l'Orfeo de Bertoni. Plus cruelle, la postérité ne retiendra le nom de ce dernier qu'à cause de sa rivalité avec Gluck. Et il est vrai qu'à l'écoute, sa musique s'efface toujours derrière celle de son prédécesseur, surtout lorsqu'elle a recours aux mêmes effets (c'est-à-dire souvent) : écho des instruments aux cris d'Orphée et accompagnement de son dernier récit, à l'acte I, irruption de la harpe dans la scène des Furies, rôle dévolu au hautbois solo, facture « française » de l'air « Che faro senza Euridice », on en passe... Ailleurs, l'écriture se veut plus cantabile, moins déclamatoire que celle de Gluck ; c'est frais, souple, galant, melliflu, résolument ancré dans le mode majeur et, en somme, peu mémorable.

En 1994, Claudio Scimone avait donné de cette œuvre fragile une interprétation théâtrale, confiée à des chanteurs incandescents ainsi qu'à un orchestre « moderne » (Arts). La version de Zarpellon, elle, ne dispose pas de beaucoup d'autres atouts que celui qu'elle affiche en couverture : « premier enregistrement sur instruments d'époque ». L'effectif orchestral sonne en effet joliment, sans réussir à éviter, sur le vif, divers écarts de justesse, tandis que la direction ne se départ pas d'une tiède prudence (écoutez la fin de l'acte I). Même constat côté chanteurs : Genaux reste une merveilleuse « diseuse » et musicienne, mais son timbre sonne engorgé, monochrome, et l'émission se réfugie parfois « dans les joues », comme chez Jennifer Larmore. Eurydice corsée, investie, malgré une voix un peu serrée, Imeneo charmant mais sans panache, qu'il ne faut surtout pas comparer à Bruce Ford chez Scimone... Bref, une lecture scrupuleuse, qui ne transfigure pas l'ouvrage.

O.R.