DVD Opus Arte OA 0967 D. Notice et synopsis trilingue (dont français). Distr. DistrArt Musique.
Cas épineux : cette production a tous les moyens d'une grande (à commencer par son chef, Valery Gergiev, et la prestigieuse salle parisienne qui l'accueille) mais avoue en fait les faiblesses d'une troupe novice, celle de l'Académie des jeunes chanteurs du Mariinsky (dirigée par Larisa Gergieva, sœur de). Certes la mise en scène est aussi sympathique qu'enlevée : Alain Maratrat sait donner corps à l'intrigue artificielle du Viaggio en assaisonnant chaque personnage d'idées propres, soutenu par les costumes pétulants de Mireille Dessingy et mêlant assez joyeusement l'action à la salle et au public. Mais le Viaggio a beau être de commande, il n'en est pas moins rossinien - et là le bât blesse cruellement.
On ne demande pourtant pas à de jeunes chanteurs en troupe d'égaler les Valentini Terrani, Caballé et autres Merritt ou Furlanetto que Claudio Abbado et Luca Ronconi eurent sous la main pour leur historique production à partir de 1984 ; mais au moins, à une Académie de maison d'opéra, de ne pas jeter aux lions du chant rossinien qui n'y semble ni apte, ni préparé. A quelques rares exceptions près, c'est à un festival de mal canto que nous assistons - où Gergiev amollit ses troupes pour suivre un fiorito suffocant -, qui éclate dans un Sextuor catastrophique : Tombonok au chant droit et poussé, Profondo très instable (mais créditons-le ensuite d'un « Medaglie incomparabili » plein d'abattage sinon de tenue), Alvaro savonné et aboyeur, Melibea sans aucun medium au-dessus de ses graves tubés... Sans compter un Sidney au chant grossier et tremblant (le trac ?) et une Corinna au timbre étrangement mature.
Sauvons le Belfiore de Dmitri Voropaev - malgré un timbre nasal, le style est attentionné -, la Madame Cortese d'Anastasia Belyaeva - qui, malgré son manque de soutien, maîtrise un très correct sillabando -, la Comtesse de Folleville de Larissa Youdina - certes limitée à un leggero coloratura suraigu, mais avec une jolie virtuosité -, et surtout le Comte Libenskof de Daniil Shtoda - lequel, après une entrée compressée, fait montre de vrai style et de moyens adéquats, notamment dans un « Non pavento alcun periglio » de belle eau : il est le baume au cœur, et aux oreilles, de la soirée. L'ensemble est quand même sauvé du naufrage par le dynamisme généreux de tous les interprètes, qui passent le grand Concertato à quatorze voix dans une tonicité réconfortante. Le public suivra, faisant un beau triomphe aux jeunes artistes. Mais tout cela fait quand même l'effet du chapeau de la Comtesse ayant perdu ses effets : un pis-aller.
C.C.