Annalene Beechey (Stephanie), Kim Criswell (Clementina Scharwenka), Patrick Cummings (John Kent), Jason Graae (Huckleberry Haines), Diana Montague (Minnie Roberts / Madame Roberta), Orchestra of Ireland, dir. Rob Berman (2013-2014).

CD New World Records 80760-2. Notice en anglais. Distr. DistrArt Musique.

On connaît surtout Jerome Kern pour Show Boat (1927), son plus grand et durable succès. En 1933, il offrait à Broadway Roberta, qui tiendrait l'affiche durant 295 représentations et serait ensuite porté au cinéma en 1935 (avec Fred Astaire et Ginger Rogers) puis en 1952 - à chaque fois, amplement amputé et transformé -, avant deux adaptations télévisées en 1958 et 1969. Le livret et les lyrics d'Otto Harbach s'inspirent du roman d'Alice Duer Miller Gowns by Roberta, une ode au Paris des années vingt-trente - capitale de la mode, refuge pour les Russes blancs et terrain d'épanouissement pour les artistes américains. « Madame Roberta », styliste parisienne renommée, est le pseudonyme de Minnie Roberts, une Américaine dont la première vie aventureuse révulsa sa famille. Désormais âgée, elle invite à Paris son petit-neveu John Kent. Le suivent son camarade de fac Huck (avec son band The Collegians), sa fiancée Sophie et la mère de celle-ci... Or Minnie meurt, juste avant son dernier défilé. Huck y contribuera artistiquement, et les chassés-croisés amoureux se multiplieront dans la capitale, John se muant ainsi d'étudiant fringuant en héritier d'empire de la mode.

Au plus près de la version 1933 pour la partition, cette réalisation intégrale propose, outre les songs, des dialogues reconstruits dans l'esprit de l'original (perdu) et de nouveaux arrangements pour The Collegians. L'intérêt documentaire est majeur d'autant que la notice, quoiqu'exclusivement anglophone, est scientifiquement très riche. Pourtant, malgré le charme indéniable de la musique de Kern - du nonchalant I Won't Dance à l'abattage slavo-swing de I'll Be Hard to Handle, en passant par l'envoûtant Smoke Gets in Your Eyes -, on ne peut s'empêcher de regretter l'égalité d'émotion dégagée par cette dramatique enregistrée en studio : les interprètes sont certes tous excellents, mais l'atmosphère est « en boîte ». La scène, le live, manquent particulièrement à la Scharwenka de Kim Criswell, un rôle de Polonaise mangeuse d'hommes, fantasque et « à accent », que sa créatrice, Lyda Roberti, avait su marquer de son charisme sans frontières. L'imagination des passionnés suppléera.

C.C.