CD Orfeo Wiener Staatsoper C 907 162 1. Distr. Harmonia Mundi.
Inconditionnels du Tenorissimo, vous disposez de douze captations audio et vidéo de ce Riccardo/Gustavo légendaire, échelonnées entre 1970 et 1994. Celle que vous propose Orfeo, issue des archives de la radio autrichienne, saura vous séduire en dépit des nombreuses réserves que nous oserons formuler à son endroit. Une fois saluée la direction du grand Abbado, moins inspiré que dans Simon Boccanegra face à une partition piégeuse - tant elle marie le chaud et le froid, la fantaisie et le tragique, l'apparence et la profondeur -, une fois loué l'orchestre, l'honnêté oblige à dire que le compte n'y est pas vraiment sur le plan de la vocalité. On n'accablera point l'Amelia d'une soprano de 25 printemps, depuis lors cantonnée dans la musique religieuse beethovénienne. La pécheresse, écartelée entre ses registres autant qu'entre ses hommes, chante souvent à côté du diapason, déséquilibrant le duo du II et ne trouvant son assise qu'avec le "Morro" de l'acte III, à genoux devant le Renato très érodé de Cappuccilli. Egale indulgence pour l'Ulrica de Ludmila Schemtschuk, pensionnaire du Staatsoper et dont les inégalités de timbre et la propension à manger les syllabes ne sont en somme que scories. L'Oscar de Magda Nador, mozartienne façon Harnoncourt, évite pour sa part toute pétulance immature. Notre souverain suédois, plus canaille que de raison au premier acte, brille comme épée au soleil au prix de sons ouverts d'un goût douteux et d'une émission nasale peu aristocratique. "Di tu se fedele" demeure ensuite crânement projeté, mais la reprise en voix détimbrée est du plus discutable Pavarotti, à peine compensée par l'alacrité d'"E Scherzo". Le tragique des scènes finales justifie les élans imparables du héros taraudé, dont les adieux, portés par un phrasé posé sur le souffle, sont peut-être ce que cette prestation offre de meilleur.
J.C.