CD Signum 433. Notice en anglais. Distr. UVM Distribution.
Première commande du redoutable archevêque Colloredo, Il re pastore (1775), composé par un Mozart de dix-neuf ans, n'est pas un opéra séria au sens strict : conçu pour fêter le passage à Salzbourg de l'archiduc Maximilian, il fut donné, en l'absence de théâtre, dans une petite salle de réception, probablement sans scénographie et sous le titre de « sérénade ». A cette occasion, le livret originel en trois actes de Métastase (1751) fut réduit à deux et son intrigue politique édulcorée. Cependant, le texte primitif lui-même ne prétendait pas à la complexité des drames antérieurs du poète : dès l'abord envisagé comme un divertissement interprété par la famille impériale, Le Roi pasteur se voulait réconciliation philosophique des thèses sociales de Rousseau et de Voltaire, mâtinée de parabole christique, et se contentait, pour unique coup de théâtre, d'un... changement d'habit ! Une telle identité n'a pas été sans poser problème aux metteurs en scène (y compris, l'an dernier, au Châtelet, au « mangaka » Nicolas Buffe) ainsi qu'aux chefs (Harnoncourt et Hengelbrock s'y montraient trop « volontaristes », Vaughan et Marriner trop « sucrés »). Après Apollo et Hyacinthus et Mitridate, Ian Page poursuit ici, avec modestie et détermination, son exploration « critique » des œuvres de jeunesse de Mozart (l'aspect « critique » étant limité, dans ce cas, à la publication en appendice d'un monologue avec orchestre d'Aminta). Il opte pour des effectifs équilibrés (moins de quarante musiciens), une lecture solaire, animée, davantage portée à la mise en valeur des textures (la polychromie concertante de « Se vincendo ») que des contrastes. Certes, si Page pense prochainement s'attaquer à Lucio Silla ou Idomeneo, il lui faudra trouver des accents plus expressifs que ceux qu'il réserve aux airs pathétiques (« Barbaro, oh Dio ! » ou « Sol puo dir», notamment), assumer un lyrisme plus vigoureux que celui irrigant le célèbre rondo « L'amerò, sarò costante » (orné d'un violon solo précautionneux). Mais on espère qu'il conservera la finesse avec laquelle il distille les récitatifs et une science des enchaînements propre à préserver la fraîcheur juvénile de l'inspiration mozartienne. Côté distribution, il peut ici compter sur une Sarah Fox à l'exquise musicalité et à l'émission chaleureuse, un peu moins sur les deux autres sopranos (Ailish Tynan restant particulièrement fade), tandis que le timbre et le tempérament de ses ténors s'opposent joliment, Ainsley compensant des couleurs appauvries par un feu qui fait défaut au plus suave Hulett. Sans bouleverser outre mesure, une lecture qui s'écoute avec un plaisir constant.
O.R.