DVD + Blu-Ray ARC 02001. Distr. ARC (Artist Recording Company).
Voilà un bien étrange objet éditorial. Ce coffret propose sous la double forme d'un DVD et d'un Blu-Ray trois œuvres scéniques comportant une voix soliste - celle de la mezzo-soprano Alison Wells - qui s'imposent, bien plus que comme des opéras, comme des monodrames.
Pièce maîtresse de ce programme, Miss Donnithorne's Maggot (1974) fait explicitement suite aux Eight Songs for a Mad King du même Peter Maxwell Davies. C'est sans doute ce qui motive sa structuration en huit parties inspirées par la figure d'Emily Eliza Donnithorne, qui avait probablement servi de modèle à la Miss Havisham de Dickens (Les Grandes Espérances). Le librettiste Randolf Stow tire de l'histoire de cette femme - une Australienne qui, ayant été abandonnée le jour même de son mariage s'était cloîtrée chez elle et n'avait jamais quitté sa robe de mariée jusqu'à sa mort - un monologue poétique écrit dans un anglais particulièrement sophistiqué qui, a fortiori en l'absence de traduction, reste bien difficile d'accès pour l'auditeur/lecteur francophone.
Pas radicalement avant-gardiste mais loin d'être conventionnelle, la musique de Maxwell Davies ne manque pas d'intérêt. La conjonction du recours fréquent au sprechgesang et de l'écriture instrumentale très individualisée - l'ensemble de chambre Genimini est très efficacement dirigé par Ian Mitchell - renvoie à plusieurs reprises un écho lointain du Pierrot lunaire de Schönberg. L'élargissement du traitement vocal renvoie cependant aussi à la tradition du théâtre musical, et la prestation d'Alison Wells est très maîtrisée sur l'ensemble de ce spectre vocal. L'option retenue pour cette édition, qui consiste à mêler aux extraits filmés de l'exécution de la pièce dans le cadre du Festival d'Orkney (Écosse) un « compagnon filmique » tourné dans des décors et des situations très divers donne à l'ensemble un air de vidéo clip. On pourra être décontenancé par cet alliage peu commun de statisme dramaturgique et de forte activité visuelle due au montage serré de séquences volontairement hétérogènes.
Suivant le même principe, la courte pièce de Judith Bingham a été filmée sur les falaises et le rivage d'une île de l'archipel d'Orkney, et postsynchronisée - avec d'évidentes imperfections, peut être voulues... - avec la voix, dans une acoustique d'ailleurs assez médiocre. Scientifique excentrique mais importante, naturaliste passionnée de fossiles, Mary Anning est ici représentée par le biais d'un monologue rétrospectif qui résume sa vie. On appréciera dans ce contexte entièrement monodique aux faux airs de ballades traditionnelles le timbre ample et chaleureux d'Alison Wells, accompagné en toute sobriété par de simples pierres entrechoquées.
Présenté quant à lui comme « opéra de chambre », Science Fictions de Colin Riley place la mezzo-soprano dans une même situation de monologue. Le texte de John Ginman pourra, là encore, paraître abscons. Réalisé par le compositeur, l'arrangement pour électronique de la musique originale a le charme de son étrangeté et conduit assez facilement à une écoute contemplative, que rompt malheureusement à plusieurs reprises le hiatus créé par sa confrontation avec une partie vocale écrite dans un style atonal quelconque, enregistrée de surcroît dans une acoustique qui n'a pas été corrigée pour faciliter la fusion. On reste finalement sur la sensation aigre-douce d'un projet qu'on a envie de louer pour son originalité et son absence de formatage commercial, mais dont le résultat esthétique laisse perplexe.
P.R.