CD CPO 777 960-2. Distr. DistrArt Musique.
Entre vérisme sanglant et impressionnisme issu des noces de Debussy avec Wagner, la Francesca de Zandonai rêvée par D'Annunzio se meut dans un climat sonore moderniste et insinuant, mêlé de bruit et de fureur. Fabrice Bollon, décidément chez lui dans ce répertoire, fait mieux que rééditer l'accomplissement orchestral de l'Arlesiana ciléenne, à la tête de son orchestre de Friburg (lire ici). Il réunit une distribution qui, pour n'être point une addition de grands noms, y gagne en homogénéité tout en révélant de notables talents individuels. Le rôle-titre par exemple, dans lequel ont brillé les Olivero, Gencer, Kabaivanska, ou plus récemment une Miricioiu, une Dessì - bref, le gotha de l'opéra floréal et sublimement décadent -, la jeune Tchéco-Bulgare Christina Vasileva en assume très intelligemment les pleins et les déliés. Son émission dans le masque lui autorise toutes les irisations du chant sur le souffle et la persuasion des mots. Son smorzando éthéré, la lumière de ses pianissimi, alternent avec de vigoureux sauts d'octaves, les frémissements érotisés avec la véhémence de l'exaltation. Et si le bas-medium vient à s'offusquer et tels aigus forte à vibrer plus que de raison, l'héroïne de Dante ressent et exprime ses émois de la manière la plus juste. En Paolo, le ténor brésilien Martin Mühle préserve sa couleur cuivrée de tout excès de muscle à l'acte de la bataille, sûr par ailleurs du galbe de sa ligne, même si le cantabile de son « Inghirlandata di violette » n'épouse qu'à demi la langueur amoureuse de sa partenaire. Autour, un Gianciotto inévitablement plus engorgé et rustre, une Garsenda prévenante mais de diction un peu floue, un Malatestino vilain à souhait, la gent féminine menée par Biancofiore n'évitant pas les voyelles pointues. Mérite de figurer dans toute discothèque accueillante à la Jeune Ecole.
J.C.