CD Glossa 923404. Notice en français. Livret en italien et en anglais. Distr. Harmonia Mundi.
Après Norma en 2001 (DVD Arthaus), c'est aux Capuleti e i Montecchi que Fabio Biondi a décidé de restituer leur "authenticité". C'est ce qu'il explique de façon plus ou moins convaincante dans la notice de ce nouvel enregistrement réalisé sur le vif au Festival Reate de Rieti dont Sergio Ragni, grand spécialiste rossinien, est le créateur. Avec un effectif réduit d'une trentaine de musiciens sur instruments anciens, sa lecture très analytique se révèle quasiment chambriste, valorisant les timbres des pupitres solos au détriment de la pâte orchestrale et de l'ampleur du geste musical. Ce que le discours gagne en nervosité et en contrastes, il le perd évidemment en lyrisme et il revient aux seuls chanteurs d'assumer ici l'arc mélodique du cantabile bellinien, avec des moyens qui ne sont pas tout à fait à la hauteur d'une telle gageure.
Surenchérissant sur sa première expérience, Biondi réintroduit dans l'orchestre le pianoforte, se rappelant que les compositeurs faisaient office de maestro al cembalo au moment de la création de leurs œuvres et extrapolant l'idée d'un instrument omniprésent, brodant ses variations sur la ligne mélodique. Le résultat n'est pas franchement concluant. L'instrument paraît souvent superflu ou, ce qui est pire, décalé et même parfois carrément envahissant. Les instruments d'époque privés de vibrato sonnent souvent maigrelets - comme cette harpe, mécanique et indigente, dans le grand air d'entrée de Giulietta.
Le plateau, lui aussi, se révèle assez inégal et, à l'exception des deux excellentes basses au rôle hélas très secondaire, manque dans l'ensemble un peu d'étoffe. Le couple vedette, en particulier, est affaire de goût. Vivica Genaux est un Roméo certes compétent techniquement mais au registre aigu étriqué et aux graves âpres et forcés, et seule sa scène finale, avec ses grands récitatifs et ariosos, lui réussit pleinement. Valentina Farcas possède une jolie voix de soprano léger mais elle manque un peu de corps pour cette héroïne romantique, petite sœur d'Amina et de Lucia, et elle abuse des variations dans l'aigu. Davide Giusti, à la belle voix centrale de ténor lyrique, semble très prometteur mais il ne possède pas tout à fait la bravoure pour affronter les aspects les plus tendus du rôle de Tebaldo et il triche souvent avec la tessiture. L'ensemble du plateau se croit obligé de rajouter des petits effets expressionnistes, tout à fait anti-belcantistes, sans doute pour renforcer l'expressivité d'un chant privé du soutien d'un geste musical plus ample.
Si l'écoute n'est pas désagréable, cette vision peine un peu à captiver et, paradoxalement, avec des excès de nervosité et des changements abrupts de tempos, à restituer à la partition le dramatisme qui la ferait vivre.
A.C.