Glossa 921630 (2 CD). 2013. 2h03. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.
Ce n'est qu'en 1829 qu'une troupe itinérante allemande fera découvrir à Paris l'original de Die Zauberflöte. Auparavant, Mozart et son chef-d'œuvre ne s'étaient imposés en France qu'à travers ces Mystères d'Isis (1801), créés dix ans après la mort du compositeur : melting pot tenant du vaudeville et de la tragédie néo-gluckiste, arrangé par Ludwig Wenzel Lachnith non seulement à partir de La Flûte enchantée (qui fournit le fond de sauce), mais encore de La clemenza di Tito (une grosse louche, dont le « Parto, parto » de Sesto transformé en duo ténor/baryton), des Nozze di Figaro (un air et un duo, confiés à Papapeno/Papagena - pardon : Bochoris/Mona) et de Don Giovanni (« Fin ch'han dal vino » changé en trio). La Reine de la Nuit devient une mezzo, Myrrène, et perd donc ses deux airs coloratures (le second étant intégralement omis) pour chanter à la place des arrangements d' « Or sai chi l'onore » de Donna Anna et du rondo de Vitellia. Pamina perd aussi « Ach, ich fühl's » mais s'arroge... le premier air de la Reine (sans contre-fa) ; le choral des Hommes armés et le solo de flûte de Tamino passent à la trappe, etc. « C'est Mozart qu'on assassine ! », se récria Berlioz. Et il est vrai que, parfois réduite à une succession de jingles et, surtout, alourdie par d'insipides récits accompagnés, la divine partition ressemble à du sous-Grétry, d'autant que le livret en quatres actes de Morel de Chédeville débute fort mollement pour se terminer de façon abrupte (ne parlons pas des vers : on appréciera le « ton sexe est bien trompeur » de Bochoris !).
Exhumé par l'infatigable Palazzeto Bru Zane de Venise puis à la Salle Pleyel, en 2013, cet « ouvrage égyptien » paraît aujourd'hui en disque, pour un résultat plus intriguant que passionnant. Côté distribution vocale, les messieurs nous convainquent davantage que les dames : Zarastro noble et profond, Tamino/Isménor de belle prestance, en dépit d'une certaine sécheresse et de couleurs un peu ternes, Bochoris infiniment élégant, trop peut-être pour un rôle qui réclamerait plus de truculence. Sa Mona appelle le constat inverse, tandis que Myrrène, cotonneuse, commence mal pour se chauffer ensuite et que Pamina reste globalement appliquée. A la tête des ensembles, juste corrects, d'habitude conduits par Hervé Niquet, Fasolis se montre incisif, attentif aux rythmes et aux climats (impressionnantes « épreuves » de l'acte IV) mais rarement lyrique et touchant (on note le bizarre staccato imposé à la scène de l'Orateur). Cela dit, peut-on être véritablement ému par ce kouglof d'époque consulaire ?...
O.R.