Fondée en 2011 pour instituer un festival itinérant dans divers lieux de son Isère natale, l'association Ninon Vallin (1886-1961) est le fruit d'une passion précoce : celle d'un garçon de huit ans découvrant par la radio qu'une voix exceptionnelle transfigurait les ridicules « Ah ! je ris » de la Castafiore. Patrick Barruel-Brussin n'eut de cesse, dès lors, de mieux connaître cette cantatrice à peine disparue, de réunir témoignages, archives et enregistrements dont il a tiré une plaquette aussi riche d'informations que de photographies et ce « récital » réunissant des mélodies de Debussy (dont Le Promenoir des deux amants finement orchestré par Louis Beydts), Chausson, Fauré, Duparc, Schubert, et des extraits inoubliables de L'Étoile, Tosca (en français), Mignon, Manon, La Fille de Mme Angot, enregistrés entre 1921 et 1959. Oui, 1959, car à près de soixante-quinze ans, Ninon Vallin chantait encore la mort de Manon avec autant d'émotion et de scrupuleuse exactitude (vantée par Reynaldo Hahn) que les autres extraits de l'ouvrage captés en 1930-34. Trois pages de Gluck inédites et dirigées par Henri Tomasi en 1935 ajoutent encore à l'intérêt de cette anthologie masterisée et numérisée d'après les 78 tours originaux.
La rondeur de la voix, la chaleur du médium et du grave, la lumière de l'aigu sont des traits distinctifs de Ninon Vallin mais, plus précieux encore, l'art de donner une éloquence aux intonations, d'en varier les couleurs, de lier les notes, font de ce récital une grande leçon d'interprétation. Ce qui a un peu vieilli dans le style a le charme d'un parfum d'époque.
G.C.