Ambrogio Maestri (Sir John Falstaff), Franco Vassallo (Ford), Stephanie Blythe (Mistress Quickly), Angela Meade (Mrs. Alice Ford), Jennifer Johnson Cano (Mrs. Meg Page), Lisette Oropesa (Nannetta), Paolo Fanale (Fenton), Carlo Bosi (Dr Cajus), Keith Jameson (Bardolfo), Christian Van Horn (Pistola), Ch. & Orch. du Metropolitan Opera, dir. James Levine, mise en scène : Robert Carsen (New York, 2013).
DVD Decca 074 3891. Distr. Universal.

 

Falstaff et Ambrogio Maestri, c'est une histoire d'amour - également pour les caméras : pas moins de quatre captations déjà auxquelles s'ajoute cette retransmission du 14 décembre 2013, en direct du Metropolitan Opera. Après Busseto en 2001 (Muti/Cappuccio, DVD EuroArts) puis, en rafale, Parme 2011 (Battistoni/Metcalf, Cmajor), Zurich 2012 (Gatti/Bechtolf, Cmajor) et Salzbourg 2013 (Mehta/Michieletto, EuroArts), voici donc Sir Maestri saisi dans la production de Robert Carsen qu'il avait créée à Londres un an et demi plus tôt (lire ici). On y retrouve avec plaisir la lecture hédoniste de Carsen, où l'amertume cède le pas à une tendre mélancolie, elle-même enrobée de jovialité, et où le charme vintage des années cinquante dessine un monde so British - y compris dans sa fantaisie décalée : décors inventifs de Paul Steinberg, costumes pétulants d'esprit de Brigitte Reiffenstuel. La caméra pimente quelques savoureux moments moins perceptibles depuis la salle, notamment dans la scène de la forêt et sa transition vers le banquet final.

S'y accorde la baguette tonique et généreuse de James Levine, où rien ne laisse deviner la santé fragile du chef qui dirigeait ce Falstaff après une longue absence, et dans un fauteuil adapté. Passé une première scène un peu en force côté voix, c'est une distribution sans faille qui se déploie : solides comparses Bardolfo et Pistola, Cajus au ténor moins étroit que d'ordinaire, jeunes premiers délicieux (Nannetta lumineuse, Fenton sans mièvrerie), Ford joueur et mordant, commères parfaitement harmonisées (opulente Quickly suivie de près par Alice... dans une quasi-gémellité physique pas inintéressante !, Meg de luxe), et bien sûr le Falstaff d'anthologie de Maestri. On sent bien ici où là quelques moments où le baryton laisse aller un pilote automatique dû à sa longue fréquentation du rôle, d'autant que son jeu volontiers buffa s'accorde à la régie joyeuse et burlesque de Carsen. Mais faire la fine bouche serait une faute de goût devant le festin scénographique et musical ici offert. On assume avec gourmandise, à l'instar du public réactif du Met, qui ne boude pas son plaisir.

C.C.

Quelques lectures :

Falstaff / L'Avant-Scène Opéra n° 87-88

Opéra et mise en scène : Robert Carsen / L'Avant-Scène Opéra n° 269

Grand entretien avec Ambrogio Maestri dans L'Elixir d'amour / L'Avant-Scène Opéra n° 288