DVD Cmajor 730708. Distr. Harmonia Mundi.
Quand Schubert ceint le baudrier, revêt la cotte de mailles, coiffe le heaume... et voudrait bien se faire un nom à l'opéra. Mais rien à faire : il n'a pas la tête épique. Echaudé par l'échec d'Euryanthe, le Kärntnertortheater ne daigna même pas représenter Fierrabras, où Charlemagne finit par faire la paix avec Boland, le prince des Maures. Il fallut attendre Felix Mottl pour la création d'une version tronquée en 1897, avant que Claudio Abbado et Ruth Berghaus, en 1988 à Vienne, ressuscitent la partition originale. Cela dit, que de belles pages dans ces presque trois heures de musique !
Loin de donner dans le Regietheater, un Peter Stein très assagi assume à Salzbourg une littéralité sobrement épurée, dans un cadre Biedermeier, optant pour des « tableaux vivants » et peu soucieux de trouver une théâtralité qui manque à la partition. Cela fonctionne bien, mais les amateurs de renouvellement resteront fidèles à la production zurichoise de Claus Guth dirigée par Franz Welser-Möst et captée par EMI.
Musicalement, en tout cas, l'ensemble salzbourgeois n'appelle guère que des éloges, même si l'impeccable Michael Schade n'a pas le rayonnement juvénile de Jonas Kaufmann et si la toujours aussi stylée Dorothea Röschmann reste limitée dans les passages de vaillance - où l'on attend plutôt une Léonore de Fidelio. Julia Kleiter, du coup, timbre fruité et ligne modelée, lui ravit la vedette. Georg Zeppenfeld a la noblesse profonde de Charlemagne, Markus Werba, l'héroïsme de Roland et, plus que Fierrabras, c'est le second ténor, le très bel Eginhard de Benjamin Bernheim, qui reste dans la mémoire. Ingo Metzmacher croit à cette musique, en débusque amoureusement toutes les finesses, donnant vie et couleur à cet « opéra héroïco-romantique » avorté. Cerise sur le gâteau : il dirige les Wiener Philharmoniker.
D.V.M.