CD Harmonia Mundi HMY 2921826.27. Pas de livret. Distr. Harmonia Mundi.
Voici la réédition en collection économique d'une « intégrale » qui, à sa sortie, fut saluée par une frange de la presse. Pour nous, cette lecture frise pourtant le contresens. Qu'est-ce qui a donc poussé Andreas Spering (chef à la sensibilité « baroque » manifestement limitée) à choisir ce titre de Haendel ? Bien qu'écrit en 1728, au moment où le Saxon cherche à faire valoir les éblouissantes rival queens (les cantatrices Cuzzoni, alias Laodice, et Faustina, alias Emira), Siroe n'a rien d'un concert en costumes. Il s'agit même de l'un des opéras les plus rhétoriques de son auteur, celui où l'ironie de la musique relève et révèle constamment la perversité du texte. Un texte - l'unique livret conçu pour Venise par le génial Métastase - lui-même pétri de faux-semblants, faux coups de théâtre et fausses identités... C'est dire qu'ici le tout (la pièce) vaut mieux que la somme des parties (les morceaux) : pas de « grand air » pour Senesino (Siroe), par exemple, avant le bouleversant « Deggio morire » de l'acte III. Or, que fait Spering ? Il tranche dans les récits, n'en laissant que des lambeaux expédiés à toute vitesse, enfile les airs comme des perles, au fil de tempi allants et d'une rythmique floue, gommant détails (quid du bourdon de « Non vi piacque » ?) et aspérités (une flûte incongrue s'invite dans « Mimi lagnerò tacendo lagnerò tacendo » et « Torrente cesciuto »), conserve diverses leçons fautives (« questo diventa orror », au lieu d' « error », dans la seconde aria du protagoniste) - bref, évacue le sens. Pourquoi deux cœurs, alors ? Parce que c'est plutôt joliment chanté (mieux que chez Cummings et Palmer), même si tous les interprètes manquent terriblement d' «italianité » et si Cosroe, Emira et, surtout, Medarse réclameraient des voix plus corsées. Sunhae Im gazouille à ravir, Ann Hallenberg est, comme toujours, impeccable, voire presque poignante à l'acte III, mais Siroe attend toujours sa version de référence...
O.R.