Annunziata Vestri (Rosa Mamai), Dmitry Golovnin (Federico), Mariangel Sicilia (Vivetta), Stefano Antonucci (Baldassare), Valeriu Caradja (Metifio), Christian Saitta (Marco), Riccardo Angelo Strano (l'Innocente), Orchestra Filarmonica Marchigiana, Chœur V. Bellini, dir. Francesco Cilluffo, mise en scène: Rosetta Cucchi (Jesi 2013).
DVD Dynamic 37688. Distr. Outhere.

 

Première au catalogue DVD, une version a priori bienvenue tant la renommée d'Adrienne Lecouvreur du même Cilea continue d'occulter cette Arlésienne dont on parle certes plus souvent qu'on ne la voit. De l'opéra tiré d'Alphonse Daudet et créé en 1897 avec le jeune Caruso, puis aussitôt repris dans une deuxième mouture l'année suivante, ne se sont durablement inscrits dans la mémoire collective que l'air de la mère désespérée "Esser madre è un inferno" et, surtout, le lamento du ténor "E la solita storia" - dont un Joseph Calleja a su faire, ces dernières années, après Gigli ou Schipa, un air emblématique. Les collectionneurs devaient se contenter jusqu'à présent de quelques intégrales audio notables : celle de la RAI réunissant Pia Tassinari et Ferrucio Tagliavini (Cetra 1951) ; celle plus récente captée à Montpellier en 2005, homogène et sincère sous la direction de Friedmann Layer ; ou, mieux, la version dominée par Iano Tamar en Mamai sous label CPO.

La vision ici offerte d'un lieu asilaire grillagé, en abîme d'un hameau rustique nocturne et blafard où se déroule une noce fantasmagorique, est bien celle suggérée par ce drame onirique. La passion névrotique de Federico, symboliquement entravée par la camisole de force qui le contraint, la mère possessive et hagarde, l'enfant innocent accédant in fine à la conscience claire au moment même où le héros tragique se suicide, tout ici renvoie bien à un univers cauchemardesque. Mais alors que l'occasion était belle d'oser l'audace dramaturgique et de jouer la carte d'une certaine démesure dostoïevskienne, la mise en scène de Rosetta Cucchi, bien que pertinente, manque de souffle. Hier pianiste accompagnatrice d'une Mariella Devia, la jeune femme formée à Pesaro semble encore imprégnée de critères rossiniens ici peu en situation. Sous une baguette un rien prudente par manque de répétitions, l'ensemble ne démérite aucunement sans atteindre à l'exceptionnel. Un ténor ardent - mais de timbre plat et contraint dans l'aigu, avare de dynamique dans ses airs (y compris "Una mattinata" réintroduit au III) -, une Vivette lyrique et galbée, une Mamai trop jeune aux registres surexposés, assument dignement. Parmi les autres figures masculines, aussi bien campées, Baldassare porte les rides d'une longue carrière, tandis que le choix d'un sopraniste pour incarner le troublant Innocente s'avère excellent.

J.C.