CD Naxos 8660374-75. Notice en anglais et en allemand. Distr. Outhere.
Le même jour nous parvenaient le Rheingold bavarois de Simon Rattle et cet outsider venu de Hong Kong : match improbable, croyait-on. Mais non. Adieux à l'orchestre somptueux dont Rattle se faisait un bouclier, enfin la musique respire ! Qu'on n'attende pourtant pas de Jaap van Zweden une direction suractive comme l'imposèrent Kraus, Karajan, Böhm puis Boulez : ici aussi le temps est lent, la comédie possible mais à peine sollicitée. Pourtant l'esprit y est, et l'équipe, agile, alerte, une vraie galerie de portraits qui fait tout pour rendre Rheingold le plus irrésistible des opéras de Wagner. Merveille sombre, Matthias Goerne incarne un jeune Wotan où s'entendent déjà les amertumes du Wanderer : admirables phrasés, mots profonds, on sait qu'il monte au Walhalla conscient de la mort des Dieux. Et la Fricka vipérine de Michelle de Young ne l'épargne guère. Deux paires emportent l'affaire : l'Alberich si souvent vécu en scène de Peter Sidhom trouve un vis-à-vis saisissant dans le Mime épouvanté de David Cangelosi, ténor de caractère qui marche dans les traces d'Heinz Zednik, rien moins. Et les deux géants composent une scène de meurtre terrible. On ne sait jamais qui va occire l'autre, basses absolument à égalité pour les mots comme pour l'abîme des timbres. Si l'on ajoute le Loge suprêmement ironique de Kim Begley, l'Erda inquiète de Deborah Humble, qui porte l'avertissement d'un vrai ton de tragédienne, et la Freia si ardente d'Anna Samuil, des Dieux de pur vaudeville, vous l'aurez compris : ce Rheingold mérite le détour et nous fait espérer une suite... ne serait-ce que pour voir Matthias Goerne face à sa Brunhilde - mais pas seulement...
J.-C.H.