BR-Klassik 900133. Notice et livret en allemand et en anglais. Distr. Harmonia Mundi.
« Ma petite comédie » disait avec tendresse et une pointe de provocation Wagner au sujet de son Rheingold. On aimerait bien que Simon Rattle se soit rappelé à quel point tout est ici théâtre - et contrairement à ce qui arrivera au cours de la Tétralogie, théâtre immédiat, sans les remémorations, contes, explications, translations temporelles qui dilateront ensuite le temps du récit, créant le paradoxe de l'opéra selon Wagner. Théâtre et même vaudeville entre les dieux ou encore comédie entre les géants, jusqu'au meurtre. Cet univers est fou, les travellings sonores allant au Niebelheim et en revenant inventent dans la syntaxe wagnérienne autant d'effets que dans les deuxièmes actes de Tristan et de Parsifal assemblés et le compositeur ne retrouvera plus l'ardeur acharnée des dialogues de violence et de possession entre Alberich et Mime. Tout cela, Rattle ne l'entend pas, pire, ne veut pas le voir. Il dirigerait ici le premier acte de Parsifal que cela sonnerait de même. Pour lui le Rheingold est un prologue à l'éternité : somptueux, sculpté, mais d'un ennui...qui entraîne dans son sillage quasiment toute la troupe. Michael Volle, impérial, campe un jeune Wotan subtil - c'est à peu près le seul auquel Rattle accorde et sa musique et son propos. Tomas Konieczny voudrait mordre dans son chant, mais comment faire sur un orchestre aussi étale ? Burkhard Ulrich, lui, ne s'en laisse pas compter : chant vipérin, consonnes dangereuses, son Loge brille de tout son venin (tant pis pour la mesure), comme la Fricka de grande venue, au mezzo opulent, d'Elisabeth Kulman, une déesse offensée mais une marâtre, jamais. Mais ils sont bien les seuls à s'émanciper de ce Rhin luxueux. Ailleurs le concert déploie sa perfection sur les ruines d'un théâtre en cendres. On oublie, avec une inquiétude : est-ce le prélude d'une nouvelle Tétralogie ? Si oui, il faudra accorder les violons, et peut être d'abord débarrasser la scène de cette symphonie.
J.-C.H.