Nicholas Morton (le Comte Gervaise de Polisson), Matthew Buswell (le Marquis), Garry Humphreys (Antoine), Rhian Lois (la Marquise de Belle Poitrine), Simon Lepper (piano), dir. Ronald Corp (2014).
CD Lyrita SRCD.2350. Distr. Wyastone.
Commandes du Port Fairy Festival de Victoria (Australie), The Aspern Papers (1995) et The Night of the Wedding (1998) sont les deux derniers ouvrages dramatiques de l'Anglais Michael Hurd (1928-2006), sur des livrets du compositeur. On y perçoit un langage héritier de Britten mais dans une estompe douce-amère, un lyrisme souple mais pudique, feutré de coloris nostalgiques.
Cela sied bien aux Papiers d'Aspern, inspirés de la nouvelle d'Henry James et nimbés d'un imaginaire vénitien aussi bien que d'un mystère flirtant avec le surnaturel : un mandataire tente d'y infiltrer l'intimité de la vieille Juliana Bordereau pour entrer en possession de manuscrits précieux dont elle a hérité - quitte, pour cela, à se lier à sa nièce Tina. Les trois actes déroulent un hypnotique ruban d'atmosphères liquides et raffinées, et un enchaînement continu d'échanges fort civilement dialogués : étrange dramaturgie lyrique sans relief ni tempête, et pourtant captivante tant elle coule comme un fleuve aux moirures changeantes. Epicentre de ce vortex, l'immense monologue de Juliana plongeant dans ses souvenirs (II/2) : soudain la passion afflue et innerve le discours, comme si le passé était plus vibrant que le présent. Hurd intègre d'ailleurs le meilleur du postromantisme ayant essaimé à Hollywood, et stimule nos souvenirs de Waxman (Rebecca, Sunset Boulevard) ou de Rósza (Providence, Fedora). Ainsi ces Aspern Papers de 1995 semblent-ils parfois exhumés du passé, à l'instar de leur sujet et de leur héroïne. D'une élégance et d'une musicalité parfaites (un bémol néanmoins pour la Mrs Prest trémulante de Pippa Goss), tous les interprètes se fondent dans ce tableau mélancolique aux beautés de palazzo fantomatique.
En guise de complément léger, The Night of the Wedding offre son acte unique avec piano (et clavecin). Dans le Paris du Premier Empire, la jeune Marquise de Belle Poitrine, redoutant sa nuit de noces à venir, cherche refuge chez le Comte de Polisson ; mais c'est le valet Antoine qui se chargera de la rassurer... Décidément décalé, Hurd persiste à se refuser à tout dramatisme, fût-il comique : le rythme est étale, le passé prend un parfum néo-classique mâtiné de Poulenc, l'action est neutralisée par une prosodie monocorde. On s'ennuie moins à l'heure et demie des Aspern Papers qu'à ce quart d'heure de Nuit de noce sans piment !
C.C.