CD Dynamic 7711/1-3. Notice en italien et en anglais. Distr. Outhere.
Reflet du passage en 2014 de la fameuse production zurichoise d'Otello sur la scène de l'Opera Vlaanderen, cet enregistrement vaut d'abord et surtout pour la présence de Gregory Kunde dans le rôle-titre. Sans doute sa voix brunie aux éclats fauves laisse-t-elle sentir ici et là quelques limites dans l'extrême grave et une certaine rugosité ; mais, passé un air d'entrée aux variations inutilement compliquées, dès les scènes de jalousie de l'acte II - avec Iago puis celle de l'affrontement avec Rodrigo - le ténor américain compose tant vocalement que théâtralement un formidable portrait du More de Venise. Son Otello, d'une puissance et d'une sauvagerie inouïes, a encore gagné en relief et en profondeur depuis sa prise de rôle à Pesaro en 2007 et son interprétation basée sur une diction et une projection hors pair, transcende les limites d'un livret un peu conventionnel et porte l'opéra à un niveau d'incandescence comparable à celui de l'Otello de Verdi - un rôle qu'il venait d'aborder à la scène au moment de cet enregistrement.
Bien que favorisés par une prise de son qui leur apporte un supplément de volume et de projection, ses partenaires, sans démériter, ont bien du mal à s'élever à un niveau comparable. La belle technique et la souplesse du Rodrigo de Maxim Mironov sont un peu entachés par ce vibratello serré qui affecte le haut de la voix et, s'il s'avère tout de même un rival de très haut niveau, il lui manque le brillant et la facilité dans le suraigu pour être idéal. Carmen Romeu maîtrise certes parfaitement la tessiture de Desdémone, et sa voix assez centrale possède la couleur adéquate, mais, malgré le renfort de la prise de son, le manque de projection est patent et elle ne communique au personnage qu'un relief limité. Voix sans doute un peu légère pour le rôle, le Iago inégal de Robert McPherson paraît souvent un peu mièvre plutôt qu'insinuant. Parmi les seconds rôles on citera la belle présence de l'Emilia de Raffaella Lupinacci et l'excellent Gondolier de Stephan Andrieens.
La direction assez prosaïque d'Alberto Zedda peine un peu à animer le premier acte où le génie dramaturgique de Rossini semble ne s'être pas encore totalement éveillé mais, dès le deuxième, l'inventivité de la partition le stimule et suffit à réveiller l'intérêt de l'auditeur. Pour cet enregistrement, le chœur nuptial du premier acte - inaudible dans la production originale pour des raisons de mise en scène - a été rétabli et un raccord a fait disparaître l'intervention de l'électrophone en introduction de la chanson du saule. Tout ceci, ajouté à l'excellence des chœurs et de l'orchestre, recommande cette nouvelle version d'un opéra dont on attend encore la version de référence mais dont elle offre une incarnation du rôle-titre proprement inoubliable.
A.C.