Gaëlle Arquez (Charlie), Aimery Lefèvre (Toni), Vincent Le Texier (Bernard Baer), Vannina Santoni (Patricia Baer), Sylvie Brunet-Grupposo (la Chef de la police), Gilles Ragon (Pietro), Chœur du Capitole, Orchestre national du Capitole de Toulouse, dir. Tito Ceccherini, mise en scène : Mariame Clément (2015).
DVD éOle Records, EOR010. Argument en français et en anglais. Parmi les bonus : interview de Frédéric Chambert (alors directeur du Théâtre du Capitole). Distr. éOle Records.

 

La création des Pigeons d'argile (le titre est une référence aux parties de ball-trap organisées par le père de la protagoniste, mais aussi à la psychologie friable des personnages), premier opéra de Philippe Hurel (1955-), eut lieu en avril 2014 au Théâtre du Capitole et remporta un succès public et critique quasi unanime. La gageure pour le compositeur - que l'on situera rapidement comme issu de l'école spectrale mais à forte tendance rythmique - était de répondre à la demande du Capitole d'écrire un opéra « classique » : employer un instrumentarium traditionnel (chœur, orchestre symphonique et chanteurs sans recours à l'électronique ou à la sonorisation) et se plier aux lois du genre (chœurs, arias, duos, actes) tout en assurant bien sûr une réelle dramaturgie. Le pari a été tenu ; la musique est complexe, tendue, énergique, sa pulsation permanente en fait le protagoniste principal de l'ouvrage, tandis que l'écriture vocale reste relativement simple, sans recours à des tessitures trop extrêmes afin de permettre de suivre facilement le texte.

Le livret de Tanguy Viel s'inspire de l'« affaire Patricia Hearst » : dans les années soixante-dix, la petite fille d'un magnat américain de la presse, enlevée par des terroristes révolutionnaires, prit fait et cause pour ses ravisseurs, allant jusqu'à participer à des braquages de banques. Viel y introduit une intrigue amoureuse : Toni, le fils du régisseur du milliardaire, fomente le hold-up de Patricia avec sa complice et amante Charlie, dont le motto est : « je ne confonds pas l'amour et la révolution ». Syndrome de Stockholm ou non, Patricia prend fait et cause pour l'action de Toni, devient son amante et Charlie, folle de jalousie, se fait tuer lors du dénouement d'un braquage.

La mise en scène de Mariame Cément est habile et virtuose, enchaînant des scènes en parallèle, faisant appel à la vidéo pour commenter l'action ou proposer des flash-backs ; car c'est l'originalité de l'ouvrage : pas d'unité de temps ou de lieu. La réalisation du DVD (image et son excellents) permet en outre de suivre l'action au plus près et d'apprécier le talent théâtral des chanteurs : l'attention ne se relâche jamais pendant ces trois actes d'une heure et demie au total.

Tous les protagonistes sont à saluer : l'orchestre (les cuivres, très sollicités), les chanteurs, tous excellents, avec notamment la Patricia de Vannina Santoni, la Charlie de Gaëlle Arquez et le veule père de Toni, Gille Ragon. Et bien sûr le superbe professionnalisme très impliqué du chef Tito Ceccherini.

Quel dommage que le DVD ne propose qu'un inutile sous-titrage en français, obérant un éventuel succès à l'international.

T.V.