Mary-Ellen Nesi (Farnace), Sonia Prina (Tamiri), Roberta Mameli (Gilade), Delphine Galou (Berenice), Loriana Castellano (Selinda), Magnus Staveland (Aquilio), Emanuele d'Aguanno (Pompeo), Orch. du Mai musical florentin, dir. Federico Maria Sardelli (Florence, live 2013).
CD Dynamic 7670/1-2. Notice en anglais et italien. Distr. Outhere.

 

Attention : nous ne tenons pas là une nouvelle intégrale de Farnace, ce que l'éditeur - honte à lui ! - omet de préciser, mais seulement l'enregistrement sur le vif des deux premiers actes de son ultime version. De Farnace, le plus aimé et le plus souvent remanié des opéras du Prête roux, pas moins de sept moutures ont vu le jour entre sa création, en 1727 à Venise, et sa dernière production envisagée, à Ferrare en 1738. L'autographe de celle-ci représente d'ailleurs le plus tardif exemple que nous ayons conservé de l'écriture lyrique de Vivaldi ; hélas, il ne contient que les actes I et II, l'opéra ayant finalement été déprogrammé au profit d'une œuvre de Hasse !

Longtemps négligé, cet incomplet Farnace de 1738 connaît aujourd'hui un regain de faveur : c'est vers lui que se sont successivement tournés Fasolis (intégrale Virgin de 2010) et, donc, Sardelli, trois ans plus tard. La comparaison est inévitable, même si l'absence de l'acte III chez le second fait inévitablement pencher la balance en faveur du premier (qui proposait un troisième acte reconstitué en compagnie de Frédéric Delaméa). Fasolis disposait en outre de ses fiévreux Barocchisti, alors que Sardelli doit se contenter de l'orchestre moderne du Mai musical, ce qui a pour conséquence un net déficit d'articulation chez les cordes (écoutez les violoncelles, dès l'Ouverture de Bajazet ici ajoutée). Pour moins précise qu'elle soit, la direction de Sardelli, galvanisée par la scène, apparaît cependant plus souple (les silences, les variations de tempo) et chaleureuse (superbes récits !) que celle de Fasolis, parfois dogmatique.

Nesi était Berenice chez Virgin ; on la préfère ici en Roi du Pont halluciné, sa voix à la trame un peu lâche et son chant parfois débraillé servant parfaitement les fêlures de cet anti-héros. Le timbre rauque de Prina ne vaut certes pas celui, si magnétique, de Donose ; mais l'Italienne évoque avec davantage d'évidence l'ombre d'Anna Giro, l'égérie vivaldienne pour qui fut écrit et réécrit le rôle à fleur de peau de Tamiri, l'épouse de Farnace. C'était a priori une bonne idée de parer la vindicative mère de Tamiri du sombre velours de Galou : mais le rôle n'a pas été écrit pour une contralto et, au moins dans « Da quel ferro » (très prestement dirigé, il est vrai !), la chanteuse française n'apparaît guère à l'aise. Les autres interprètes, sans démériter, pâlissent devant leurs rivaux de la version Virgin, particulièrement Castellano (Selinda perd son premier air, biffé par Vivaldi) devant Hallenberg.

C'est donc toujours vers Fasolis que l'on se tournera si l'on est en quête d'une « version 1738 » de référence. Reste que sa mouture, truffée d'emprunts à d'autres ouvrages (Griselda, Siroe, L'Olimpiade, etc.), nous a toujours parue moins équilibrée que celle de 1731, intégralement conservée : pour celle-ci, la référence se fait toujours attendre - les sympathiques gravures de Savall (Aliavox, 2001) et de Bernart (Akademia, 1982) ne pouvant en tenir lieu...

O.R.