• Puccini : Tosca.
Renata Tebaldi (Tosca), Ferruccio Tagliavini (Cavaradossi), Tito Gobbi (Scarpia), dir. Francesco Molinari-Pradelli (Londres, live 1955).
• Rossini : Il barbiere di Siviglia
Rolando Panerai (Figaro), Teresa Berganza (Rosina), Luigi Alva (Almaviva), Fernando Corena (Bartolo), Ivo Vinco (Basilio), dir. Carlo Maria Giulini (Londres, live 1960).
• Verdi : Falstaff
Fernando Corena (Falstaff), Anna Maria Rovere (Alice), Fernanda Cadoni (Meg), Oralia Dominguez (Mrs Quickly), Walter Monachesi (Ford), Eugenia Ratti (Nannetta), Juan Oncina (Fenton), dir. Carlo Maria Giulini (Glyndebourne, live 1955)

CD ICA classics ICAB 5131 (coffret 6 CD). Distr. UVM Distribution.

Ces documents sur le vif de la radio britannique, naguère publiés de manière éparse avant d'être ici regroupés en un brelan italien, ont de bonnes chances de retenir l'attention des collectionneurs, sans pour autant séduire à tout coup les lyricomanes exigeants.

La Tosca captée à Covent Garden pour la prise de rôle de Tebaldi in loco (et figurant dans notre Discographie de l'ouvrage, voir L'ASO n° 11) ne gagne pas d'emblée à être confrontée à la soirée du Met dirigée en cette même année 1955 par Mitropoulos, avec cette jeune Floria affichée aux côtés de Tucker et Warren. Ici à Londres, c'est d'abord le Scarpia de Gobbi qui en impose. Plus abrupt encore qu'au studio deux ans avant, le génial acteur-chanteur campe un personnage de tyran libidineux, sans ménager une voix dont la raucité est ici en situation, quitte à sacrifier la face aristocratique du Baron sur l'autel des basses œuvres policières. Tagliavini, dont Mario ne fut jamais l'emploi idéal, ne démérite pas, forçant son profil de lirico mis en valeur dans le cantabile des duos. La grande Renata exhibe une insolente santé vocale et d'imparables aigus. Le miel du timbre et les demi-teintes de l'amoureuse pondèrent au mieux, en ces années, les imprécations de la maîtresse, jusqu'à l'élan suicidaire final. Au premier degré, cette Floria spontanée séduit assurément, malgré la direction routinière de Molinari-Pradelli lestée d'un rendu sonore médiocre.

Le Barbier de 1960 que dirige Giulini à la tête des forces de ce même théâtre souffre d'un mal pernicieux que rien ne saurait arrêter, à l'image de la Calunnia : le rire boulevardier. On se tient les côtes ce soir-là devant les pitreries, surcharges et autres effets d'une mise en scène (Maurice Sarrazin) propice à tous les errements stylistiques. Panerai lui-même, en meilleure voix qu'à Rome cinq ans plus tard (au sein d'une distribution similaire), rate son entrée par excès de redondance et d'aigus tonitruants, un déboutonné vocal dont il ne se départira point. Déboutonné et demi Corena en Bartolo, cabotin doté d'une excellente diction dévoyée dans les récitatifs populaciers et lui tenant lieu de cache-misère dans la vocalise. Surprise en revanche avec le très correct Basilio du jeune Ivo Vinco, alors que le demi-ténor Alva ouvre les sons et savonne ses vocalises. Bonheur que d'entendre une Berganza de 25 printemps absolument éblouissante : aigu glorieux, graves soutenus, colorations enjôleuses, échelles à l'avenant, un rayon de soleil rossinien dans une production très réductrice. La direction de Giulini elle-même oscille entre excès d'ébriété et langueur ostentatoire, la prise de son en rajoutant sur le vacarme ambiant.

Falstaff est hélas dévolu à l'hypertrophique Corena en 1955, sous la férule d'un Giulini non encore persuadé de la noirceur shakespearienne du sujet dont il fera plus tard son credo. Son plateau ne le lui permettrait d'ailleurs pas. Outre les tonitruances du Pancione, il faut ici faire avec la ténuité d'Oncina, Fenton contraint de céder sa place au IIIe acte, le Ford valide mais trop univoque de Monachesi, et surtout une brochette de Commères dont la prise de son décuple les capacités de nuisance. Anna Maria Rovere, parangon du mauvais chant années cinquante, vinaigre les accents d'Alice, au sein d'une insupportable basse-cour dont émerge la seule Oralia Dominguez en Quickly caverneuse, antidote de la filiforme Eugenia Ratti. Ni Verdi ni Giulini ne sortent grandis de cette mésaventure.

J.C.